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jeudi, octobre 19, 2017

Le SPVM ouvre une enquête sur Gilbert Rozon

Le grand patron de Juste pour rire a démissionné dès hier soir des fonctions qu’il occupait depuis 35 ans

PHOTO BEN PELOSSE
Gilbert Rozon
L’homme d’affaires Gilbert Rozon a donné sa démission notamment de Juste pour rire hier soir dans un bref message publié sur son compte Facebook.

MISE à JOUR 
La police de Montréal a ouvert une enquête à la suite d’une plainte d’agression sexuelle déposée, hier après-midi, contre le producteur Gilbert Rozon concernant des évènements qui seraient survenus à Paris, en 1994.
La plaignante fait partie d’un groupe d’une dizaine de femmes qui s’est réuni mardi à Montréal afin de discuter de gestes déplacés dont elles auraient été victimes de la part du fondateur de Juste pour rire.
En soirée hier, l’homme de 62 ans a annoncé qu’il démissionnait de ses fonctions de président du Groupe Juste pour rire, qu’il occupait depuis près de 35 ans. Il quitte aussi ses postes de commissaire aux célébrations du 375e de Montréal et de vice-président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
« Ébranlé par les allégations me concernant, je souhaite consacrer tout mon temps à faire le point », a écrit le grand patron de Juste pour Rire sur sa page Facebook.
Cette déclaration est survenue quelques heures après que l’humoriste Guillaume Wagner ait publiquement accusé M. Rozon d’être un « agresseur ».
« Je ne travaillerai plus pour Juste pour rire tant et aussi longtemps qu’un agresseur en sera le patron », a-t-il écrit sur Facebook.
Pas de commentaires
Joint en soirée, le porte-parole de Juste pour rire Jean-David Pelletier a mentionné que M. Rozon ne ferait pas plus de commentaires.
« Et personne de Juste pour rire ne fera de commentaires. Pour l’instant, l’intérim n’est pas décidé. Nous allons bien analyser l’ensemble des allégations demain [aujourd’hui] et prendre une décision pour la suite des choses. »
Coderre consterné
Le maire de Montréal, Denis Coderre, a déclaré de son côté être déçu des « graves allégations d’inconduites sexuelles qui pèsent sur Gilbert Rozon ».
« Je soutiens totalement toutes ces femmes et ces hommes qui décident de s’exprimer. »
L’aspirante mairesse Valérie Plante a indiqué souhaiter que « toute la lumière soit faite sur les allégations à l’égard » de l’homme d’affaires.
Dans la foulée de l’affaire Harvey Weinstein et du mot-clic #moiaussi, Gilbert Rozon a été cité à quelques reprises dans les derniers jours sur les réseaux sociaux.
Une jeune femme qui a effectué un stage chez Juste pour rire en 2010 a raconté au Journal que l’ancien président du festival lui avait « tapé une fesse » pour la féliciter d’avoir fait un bon travail. La femme, qui a requis l’anonymat, avait alors 20 ans et s’occupait d’organiser des soirées VIP.
« Une autre fois, j’entrais au bureau sur Saint-Laurent, et il m’avait ouvert la porte. Et il m’avait dit : “ T’as donc ben des beaux seins toi ! ” Ça m’avait vraiment gênée. Quand il nous croisait dans le couloir, il nous regardait des pieds à la tête. Il nous déshabillait du regard comme si on était un steak », soutient-elle.
Récurrents
Selon elle, ces gestes étaient récurrents, dans les bureaux. « Pour moi, c’est ce qu’il faisait subir à toutes les filles. Il y en a qui ont dû en baver », affirme la jeune femme.
En 1998, Gilbert Rozon avait plaidé coupable à une accusation d’agression sexuelle sur une femme de 19 ans. Il avait par la suite obtenu une absolution inconditionnelle.
— Avec la collaboration de Raphaël Gendron-Martin et de Vincent Larin

GILBERT ROZON, 62 ANS

  • En couple avec la Française Noémie Caillaut
  • Études en droit, assermenté au Barreau du Québec en 1984
  • D’abord livreur de journaux, ouvrier, fossoyeur, vendeur, imprimeur, organisateur de spectacles et éditeur de bottins téléphoniques commerciaux
  • Président et fondateur du festival Juste pour rire en 1983
  • Depuis 2006, membre du jury de l’émission télévisée La France a un incroyable talent sur M6
  • Responsable de la marque internationale de Juste pour rire / Just For Laughs dans 150 pays
  • En 2016, Gilbert Rozon remplace le Dragon Alexandre Taillefer à l’émission Dans l’œil du dragon 5
  • En 2017, il inaugure son théâtre, le 13e Art, à Paris.
  • En 2017, il est nommé commissaire aux célébrations du 375e de Montréal
  • Vice-président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
Déjà condamné
♦ En 1998. II plaide coupable d’agression sexuelle sur une femme de 19 ans. En appel, il obtient une absolution inconditionnelle.
♦ La Cour énonce que le refus de l’absolution pourrait mettre en danger l’entreprise de l’accusé, qui nécessite de nombreux voyages à l’étranger.
♦ Treize ans plus tard, en 2011, il se confie à Josélito Michaud lors de l’émission On prend toujours un train pour la vie.
♦ « Les menottes, c’est l’humiliation totale, la plus grande qu’on peut faire », admet-il.
♦ Gilbert Rozon confesse alors qu’il a trop aimé les femmes. Il a dû aller en thérapie.

Éric Salvail et la gestion d’une crise de réputation

19 octobre 2017 |Stéphane Baillargeon | Médias
La chute a suivi la diffusion d’une enquête révélant que onze personnes reprochaient à Éric Salvail des inconduites sexuelles.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir
Éric Salvail
La chute a suivi la diffusion d’une enquête révélant que onze personnes reprochaient à Éric Salvail des inconduites sexuelles.
Celui qui a construit sa réputation par les médias l’a perdue par les mêmes moyens et avec une extrême fulgurance.
 
En quelques heures mercredi, l’animateur et producteur vedette Éric Salvail a quitté ses émissions de radio et de télé, comme ses contrats publicitaires.
 
Tout a pris le bord, Éric et les fantastiques de Rouge FM comme En mode Salvail sur le réseau V. Tous les contrats publicitaires lucratifs avec McDonald’s, Metro et Air Transat ont aussi disparu d’un coup.
 
Le sort d’autres créations de sa maison de production Salvail Co, y compris Les échangistesd’ICI Radio-Canada Télé, demeure à l’étude. Des millions de dollars de revenus annuels se retrouvent donc au bord de la trappe.
 
La chute dévastatrice a immédiatement suivi la diffusion d’une enquête de La Presse + révélant que onze personnes reprochaient à M. Salvail des inconduites sexuelles. Elles en auraient fait les frais ou en auraient été témoins au cours des dernières années, souvent dans un contexte de travail. Ce qu’il faut bien appeler « l’affaire Salvail » a été commenté par le maire de Montréal comme par la ministre de la Condition féminine, Hélène David.
 
« Je pense qu’on ne sort jamais complètement indemne d’une telle crise médiatique », commente Anne-Marie Gagné, professeure de la TELUQ, spécialiste de la gestion de crise en relations publiques. « Dans le cas d’une entreprise, si les accusations touchent le président, on change de président. On peut aussi gérer la marque d’une entreprise. Dans ce cas, la marque, c’est Éric Salvail lui-même. C’est sa réputation personnelle qui est touchée. Lui, je ne sais pas à quel point il va s’en sortir. En plus, on peut difficilement le distinguer de ses produits. Est-ce qu’on peut simplement changer l’animateur de ses émissions, dont certaines portent son nom ? »
 
La professeure pousse encore plus loin la distinction fondamentale entre une crise au sein d’une entreprise et une crise touchant une personnalité publique.
 
« Quand on a une crise dans une organisation, la stratégie demande d’être transparent, de ne pas se cacher, de ne pas utiliser la stratégie du “no comment”. Dans une crise de gestion de réputation personnelle comme celle que vit Éric Salvail, on se retrouve dans un autre paradigme : la discrétion s’impose et il faut se retirer. Il n’y a même pas de bonne stratégie de communication dans ce cas. »
 
C’est que les accusations génèrent appuis comme reproches, alors mieux vaut ne pas les stimuler. D’ailleurs, les réseaux sociaux débordent de réactions très critiques depuis mercredi matin.
 
Éric Salvail lui-même a suivi le modèle recommandé par les relations publiques en publiant une courte déclaration sur sa page Facebook. Il s’y déclare « fortement ébranlé ». Il dit éprouver « de l’empathie pour tous ceux et celles à qui [il a pu] causer un malaise ou quelque forme de préjudice que ce soit ». Il annonce finalement « prendre une pause professionnelle de quelques jours ».
 
« Il a eu une formule très sobre, dit encore la professeure. Puis, il annonce se retirer. C’est ce qu’il fallait faire. Ça ne sert à rien d’en rajouter pour l’instant et mieux vaut laisser la poussière retomber. »
 
Pendant combien de temps ? La spécialiste ne saurait dire. « C’est du cas par cas, explique-t-elle tout en insistant sur l’importance des apparences. En relations publiques, la perception, c’est la réalité. On travaille avec cette matière. Que ce soit vrai ou pas, peu importe, on travaille avec ce que les gens perçoivent. C’est avec cette perception qu’Éric Salvail aura à travailler plus tard. »
 
Cette primauté de la lecture et du regard d’autrui va tenir et l’emporter peu importe les décisions juridiques, même s’il est acquitté à la suite d’accusations. « Ce qui va rester au bout du compte, c’est ce que les gens vont croire comme vrai ou faux, résume encore Anne-Marie Gagné. Si la majorité des gens croient qu’il est coupable, que c’est un pervers sexuel, par exemple — je dis n’importe quoi —, c’est avec cette perception qu’il devra composer pour se réhabiliter, si réhabilitation il doit y avoir. »

Éric Salvail retiré des ondes après des allégations d'inconduites sexuelles
18 octobre 2017 16h52 | Stéphanie Marin - La Presse canadienne
L’affaire et ses effetsÉric et les fantastiques. Le nom de l’animateur et le titre de l’émission quotidienne de Rouge FM ont été retirés du site du réseau tôt mercredi . Le 4@6 Rouge a pris le relais.

En mode Salvail. Le talk-show quotidien de fin de soirée est retiré des ondes de la chaîne V « pour une période indéterminée », dit le communiqué.

Salvail Co. Groupe V Média « évalue sa relation d’affaires avec la maison de production ». La compagnie produit En mode Salvail (sur les chaînes V et Max), mais aussi Les recettes pompettes, Ce soir tout est permis et Lip Sync Battle (Les trois sur V et MusiquePlus), Coup de foudre (V), Mariepier ! (Z) et Les échangistes (ICI RC Télé). Radio-Canada a annoncé réévaluer « ses liens d’affaires avec l’animateur et producteur »et que « des décisions à ce sujet seront prises selon l’évolution de la situation ».

Publicités. Plusieurs marques ont mis fin à leur partenariat avec Éric Salvail ou sa compagnie de production, dont les géants McDonald’s et Metro. Air Transat, qui organisait un concours, recule également. La campagne prorecyclage de Éco Entreprises Québec est terminée et il était déjà convenu qu’Éric Salvail ne serait pas reconduit comme son porte-parole.

Les plus populaires

Les témoignages de présumées victimes de Gilbert Rozon diffusés


Catherine Bouchard
Le FM93, le 98,5FM et le Devoir ont diffusé tour à tour les témoignages de présumées victimes de Gilbert Rozon, sur qui plane une plainte d’agression sexuelle, telles que l’animatrice Pénélope McQuade, la comédienne Salomé Corbo et la réalisatrice Lyne Charlebois.
Cogeco nouvelles et Le Devoir ont levé le voile sur le fait qu’au moins neuf femmes auraient été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle du fondateur de Juste pour rire.
  • Sophie Moreau, la fille de l’humoriste Jean-Guy Moreau :
«Il m’a demandé d’aller backstage avec lui», a-t-elle confié. La jeune femme, alors âgée de 15 ans, a accepté de suivre Rozon, malgré le fait qu’elle savait qu’ils ne se rendaient pas au bon endroit, puisqu’elle lui faisait confiance. Elle occupait un poste de réceptionniste au festival Juste pour rire. «Nous avons descendu un escalier métallique. Il faisait noir, on ne voyait rien. Il m’a pressé contre lui et m’a demandé de l’embrasser, mais j’ai dit non», poursuit Mme Moreau.
Elle raconte que Rozon s’est mis à rire. L’été suivant, le harcèlement s’est poursuivi avec des demandes insistantes et des gestes déplacés, comme la prendre par les hanches.
  • En 1998, Salomé Corbo, comédienne : 
«J’avais accès à de gros partys de fin de festival. Lors d’un de ces gros party, Gilbert, qui était très intoxiqué, m’a agrippé et a passé sa main près de mes culottes, et a réussi à mettre un doigt dans mo vagin. Je lui disais «j’ai 14 ans, j’ai 14 ans, je suis une jeune fille.» Je parlais fort et j’espérais que les témoins autour réagissent, mais personne n’a réagi. Gilbert m’a lâchée et je suis partie.»
  • En 1990, Pénélope Mc Quade, animatrice :
«Cette journée-là, j’étais avec ma fréquentation de l’époque. On était au Musée Juste pour rire, qui était le QG du festival. Je n’avais pas bu parce que je travaillais à 4h. Je suis allée à la salle de bain, c’était une toilette privée. Tout de suite après moi, je sens quelqu’un qui rentre. Je vois la lumière se fermer et la porte se barrer. Et ce quelqu’un que j’ai aperçu, c’était Gilbert Rozon. Il s’est jeté sur moi. J’ai complètement figé et lui aussi d’ailleurs.»
  • En 1998, Anne-Marie Charrette, recherchiste :
«J’avais 25 ans, je travaillais aux communications pour les Monstres de l’humour. Gilbert, je le voyais tous les jours au bureau. Il m’a harcelé pendant plusieurs mois. Il pouvait venir me voir au bureau pour me demander quelque chose et il faisait exprès pour se coller de très près.»

Alors que M. Rozon lui a demandé de venir lui porter des documents à sa chambre d’hôtel lors d’un festival.

«Je lui ai dit : «Non, je ne viendrai pas, je sais ce que tu veux.» Il m’a engueulée. Il m’a dit qu’il était mon boss, que le dossier était urgent, que je devais venir sur le champ.»

«Dès qu’il a ouvert la porte, il m’a poussé sur le lit, il s’est couché sur moi. J’ai réussi à le pousser, mais je ne sais pas comment j’ai fait. Je suis sortie, je suis retournée prendre mes affaires au bureau et je suis retournée chez moi.»
  • En 1998, Lyne Charlesbois, réalisatrice :
Alors qu’elle et Rozon étaient en route pour aller au bar: «En chemin, il m’a dit qu’il n’habitait pas loin, qu’il voulait aller changer sa chemise, car il l’avait portée toute la journée. Je n’ai aucune crainte, je suis rentrée chez lui. Il a fumé un joint, je pense que j’en ai pris une puff. Il devait être comme 19h30, on n’avait pas bu de vin, on n’était pas du tout intoxiqués et, écoutez, la première chose que j’ai sue, c’est qu’on était dans sa chambre, il était sur moi et j’ai fait la planche. Dans ma tête, le gars que je venais de rencontrer était en train de me pénétrer. Il avait rencontré mon chum.»