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samedi, septembre 16, 2017

La méditation pleine conscience

Une pratique bénéfique pour le personnel médical
13 décembre 2014 |Pauline Gravel | Science et technologie
Suzanne Paquet, psychiatre à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, dans la région de Lanaudière
Photo: Michaël Monnier Le Devoir


Suzanne Paquet, psychiatre à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, dans la région de Lanaudière

Joseph Flanders dirige la clinique MindSpace, à Montréal, et offre des sessions de réduction du stress basée sur la pleine conscience — une thérapie mise au point par Jon Kabat-Zinn — aux médecins, aux infirmières, aux gestionnaires, aux chercheurs et aux secrétaires du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

« Les infirmières vivent des situations très stressantes. Qui plus est, elles ont une grande sensibilité pour la souffrance de l’autre. Or, si le corps est toujours ouvert à la souffrance des autres, on devient à risque de faire un burn-out », souligne Joe Flanders, qui amène les infirmières à développer « l’équanimité » à l’aide de la pleine conscience.

« Cette qualité leur donne la capacité de bien comprendre la situation et les limites de ce qu’elles peuvent faire, car il y a des choses hors de leur contrôle, comme la trajectoire d’une maladie et l’évolution d’un patient. Elles doivent donc avoir un détachement — pas une indifférence —, un détachement intelligent afin de développer une compassion durable. »

Les conditions de travail des médecins sont aussi très éprouvantes, car ils travaillent de longues heures et sous pression. « Même s’il est fatigué à la fin de sa journée et qu’il fait face à un cas complexe avec une personnalité difficile, le médecin doit demeurer présent à ce qui se passe pour bien recevoir les informations que lui transmet le patient, afin de faire le bon diagnostic et de trouver les outils adéquats pour régler le problème. Il ne doit pas se perdre dans ses émotions et son anxiété, mais plutôt rester calme.

« « De même, lorsque survient une complication, le chirurgien ne doit pas se laisser envahir par le stress et l’anxiété qui risquent de diminuer sa performance », explique Joe Flanders, avant d’ajouter que « la pleine conscience apporte le calme, une stabilité émotive, et permet de garder une distance par rapport à ce qui se passe dans son corps et son esprit ».

L’épuisement professionnel des médecins

Les symptômes d’épuisement professionnel guettent près de la moitié des médecins aux États-Unis, et le tableau est probablement très semblable au Québec.

« Or des médecins en burn-out ne sont pas simplement épuisés, ils traitent leurs patients comme des objets, ils ont moins d’empathie pour eux et ressentent peu la satisfaction du devoir accompli. Il s’ensuit qu’ils sont de plus en plus nombreux à souffrir de dépression, à consommer de l’alcool, des opioïdes et des stimulants. Leurs patients, au bout du compte, reçoivent des soins de santé de moins bonne qualité », souligne-t-on dans le magazine Mindfulness.

Un programme obligatoire

Conscient de ce danger qui guette les futurs médecins, la Faculté de médecine de l’Université McGill inclura à partir de janvier prochain dans son cursus médical prédoctoral un programme obligatoire sur la pratique de la pleine conscience, pour aider les médecins à relever les défis propres à leur profession. « La pleine conscience peut les aider à se concentrer et à être davantage conscients de la situation, ce qui est essentiel pour prévenir les erreurs médicales et apprendre à demeurer à l’écoute de leurs patients même lorsque les conversations sont difficiles sur le plan émotionnel », précise le Dr Stephen Liben, futur directeur de ce programme, dans une entrevue accordée à Mindfulness.

Louis-Philippe Thibault, externe au doctorat en médecine (MD) à l'Université de Montréal, souligne qu'à son université, «le Mindfulness est une formation obligatoire, un cours siglé et crédité inscrit au cursus du doctorat en médecine, et ce, depuis déjà deux ans».

Des études scientifiques ont en effet montré que la pratique de la pleine conscience accroît la vitesse de mobilisation, de focalisation et de redirection de l’attention. Par exemple, une étude réalisée au Center for Investigating Healthy Minds de l’Université du Wisconsin-Madison a permis de mettre en évidence l’influence de la pratique de la méditation pleine conscience sur la finesse de la perception visuelle.

Les chercheurs ont observé qu’après une retraite intensive de trois mois, les méditants arrivaient à détecter sur un écran deux stimuli visuels qui leur étaient présentés à 300 millisecondes d’intervalle, alors que les personnes sans entraînement en méditation ne voyaient pas le second stimulus parce que la résolution temporelle de leur attention était moins bonne.

Tous les médecins interrogés par Le Devoir ont déclaré que la pleine conscience les aidait grandement dans leur travail. « Cette espèce de distanciation qu’elle nous procure m’aide à garder à sa juste place la compassion que j’éprouve pour mes patients. Elle préserve ma curiosité de la rencontre avec l’autre », confie la psychiatre Andréanne Élie, tout en rappelant combien il est difficile d’être constamment en contact avec la souffrance.

Entre deux consultations

Le Dr Elliot Jacobson, médecin de famille au Centre de médecine intégrative de Montréal, médite souvent entre deux consultations afin « d’être plus concentré et présent à la prochaine personne » qui entrera dans son bureau. Il médite aussi en se levant le matin, trois ou quatre fois par semaine. « La pleine conscience n’a pas tant changé mon travail que la relation que j’entretiens avec mon travail. Elle m’aide à être bien en selle et à me concentrer. Quand je médite régulièrement, je suis moins contrarié par les petits désagréments de la vie et de mon travail, comme des patients difficiles, la politique à mon lieu de travail et le trafic. […] On réalise ainsi qu’on ne doit pas s’accrocher à tout ce qui inonde nos vies et nous accable, comme le stress quotidien et les mille courriels qui arrivent sur notre ordinateur. Il devient ainsi plus facile de ne pas se sentir surchargé et de donner un sens à sa vie. »

Lorsqu’elle ne pratique pas quotidiennement la méditation pleine conscience, la Dre Thanh-Lan Ngô, chef du Programme des maladies affectives à l’hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, a l’impression de « dépenser beaucoup d’énergie à anticiper ses rencontres, à réfléchir à des solutions aux différents types de problèmes qui pourraient se présenter avec les patients et dans le reste de sa vie, à repenser à son travail et à ce qui aurait pu être fait différemment.Lorsque je pratique de façon quotidienne, je suis moins fatiguée et plus productive. À chaque rencontre, je suis totalement présente au patient devant moi plutôt que d’être en train de réfléchir, de planifier, etc., et je peux ainsi offrir une réponse plus habile à son problème », précise-t-elle.

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Méditer pour être en santé


13 décembre 2014 |Pauline Gravel | Science et technologie
Illustration: Tiffet
Vie folle, cadencée par le travail, les obligations et… les emplettes de Noël. Pour stopper cette roue infernale et en sentir les bienfaits sur la santé mentale et physique, des experts pratiquent et enseignent la méditation pleine conscience, une forme de plongée intime dans l’instant présent.​
 
Dans une salle de la clinique externe de l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Charlemagne, l’équipe médicale du département de psychiatrie médite, comme elle le fait de trois à quatre fois par semaine avec les patients. Pendant une petite demi-heure, psychiatres, psychologues, travailleuse sociale, ergothérapeute, secrétaire se recueillent pour mieux porter leur attention sur ce qui se passe autour et à l’intérieur d’eux à l’instant présent.
 
Pour les membres du personnel médical qui côtoient quotidiennement la souffrance, la pratique régulière de la méditation pleine conscience — appelée « mindfulness » en anglais — est un « outil merveilleux » qui les aide à diminuer le stress et à être plus attentifs à leurs patients. Et pour ces derniers, il s’agit d’un traitement efficace pour atténuer leurs symptômes de dépression ou d’anxiété. Des études ont en effet démontré que, grâce à cette approche, les risques de rechute dépressive diminuent de moitié, les ex-toxicomanes sont moins susceptibles de sombrer à nouveau dans la dépendance, et les patients aux prises avec d’insoutenables douleurs chroniques améliorent leur qualité de vie.
 
Elles-mêmes adeptes de la méditation pleine conscience, Andréanne Élie et Suzanne Paquette, psychiatres à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, ont décidé il y a un an d’offrir à leurs patients déprimés ou anxieux une formation de huit semaines combinant une thérapie cognitive et la pleine conscience. « La combinaison pleine conscience et thérapie cognitive fait maintenant partie des lignes directrices canadiennes du traitement de la dépression », souligne la Dre Élie. « En voyant que notre esprit vagabonde sans cesse, on apprend que nos pensées ne sont que des événements mentaux comme d’autres. On apprend à leur accorder un peu moins d’importance », indique-t-elle.
 
Après la thérapie, le patient arrive habituellement à « se distancier de ses pensées, ses émotions, ses douleurs ». « On devient spectateur de ce qui se passe. […] On devient capable de laisser passer une pensée anxieuse plutôt que de l’alimenter. Et c’est comme ça pour toutes les émotions dysfonctionnelles intenses », poursuit la Dre Suzanne Paquette.
 
Thérapie contre la dépression et l’anxiété
 
À l’hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, on offre aussi une thérapie cognitive basée sur la pleine conscience aux patients ayant souffert de dépression, de maladie bipolaire ou de troubles anxieux. « Grâce à cette thérapie, les patients ont moins tendance à s’inquiéter au sujet du futur et à ruminer le passé », explique la psychiatre Thanh-Lan Ngô, chef du Programme des maladies affectives à l’hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et professeur adjoint de clinique à l’Université de Montréal. « Ils sont capables d’accepter et de faire face aux difficultés plutôt que de tenter de les éviter. Les patients bipolaires sont plus aptes à détecter les signes de rechute et utilisent les techniques pour diminuer leur anxiété. Ces techniques leur sont aussi utiles lorsqu’ils souffrent d’insomnie, ont des douleurs physiques, sont fatigués, voire ont des idées suicidaires. »
 
Prévenir les rechutes en toxicomanie
 
Une étude réalisée en 2009 par Bowen, Chawla et Collins a révélé que la pleine conscience prévient les rechutes chez les ex-toxicomanes. Sue Tremblay, infirmière-chef à la clinique privée 360dtx de traitement de la dépendance à Montréal, pratique la méditation pleine conscience avec les clients 15 minutes par jour du lundi au vendredi. « La pleine conscience permet de penser correctement et de répondre à la détresse de façon plus saine, sans recourir à l’objet de sa dépendance. Elle atténue l’impulsivité et remet le corps en homéostasie, ce qui permet d’avoir les idées plus claires et de garder son objectivité », explique-t-elle.
 
Quand la médecine traditionnelle a échoué à apaiser des douleurs chroniques qui cantonnent les victimes à une vie recluse faite de souffrances, la thérapie de réduction du stress par la pleine conscience — mindfulness based stress reduction, ou MBSR, mise au point par Jon Kabat-Zinn — constitue une véritable bouée de sauvetage. Maintes études ont en effet souligné son efficacité dans le traitement de la douleur chronique. Plus récemment, de nouvelles thérapies basées sur l’acceptation, dont l’un des leviers d’intervention est la pleine conscience, connaissent aussi un franc succès, car elles contribuent à améliorer la qualité de vie des patients aux prises avec des douleurs chroniques.
 
« La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), qui est l’approche psychologique la plus classique pour traiter la douleur chronique, vise à réduire ou à contrôler les symptômes, par exemple en essayant de penser à autre chose, en relaxant ou en évitant les situations qui risquent d’augmenter les symptômes. Mais parfois, il est difficile de contrôler les symptômes, surtout dans le cas de la douleur chronique », fait remarquer le psychologue clinicien et professeur de psychologie à l’UQTR, Frédérick Dionne, qui fait valoir les bienfaits de la thérapie d’acceptation et d’engagement, ou ACT (pour acceptance and commitment therapy) développée par l’Américain Steven C. Hayes pour le traitement de la douleur chronique, dans son livre intitulé Libérez-vous de la douleur par la méditation et l’ACT.
 
L’ACT conduit le patient à accepter la douleur, plutôt qu’à la contrôler, pour ensuite s’engager dans des activités qui sont importantes pour lui et qui correspondent à ses valeurs personnelles. « Accepter la douleur ne veut pas dire se résigner, mais plutôt apprendre à cohabiter avec elle. […] Dans la pleine conscience, on tente de changer la relation que nous entretenons avec nos symptômes. Quand j’ai mal, je peux centrer mon attention sur ma douleur. Des pensées, telles que “ c’est intolérable, c’est catastrophique ” vont alors émerger. On prend alors conscience de nos jugements sur la douleur, lesquels sont sources de souffrance, d’anxiété et de dépression. Si je peux moins juger ma douleur, celle-ci s’en trouvera amoindrie », souligne M. Dionne.
 
Dans une thérapie ACT, on explore d’abord avec le patient les moyens qui permettraient de résoudre ou de contrôler sa douleur. Si ces stratégies ne fonctionnent pas, l’acceptation devient alors une solution au contrôle des symptômes. On l’incite à lâcher prise. Puis, on l’invite à clarifier ses valeurs personnelles. « Qu’est-ce qui est important pour lui dans la vie ? Est-ce sa famille, être un père affectueux pour ses enfants, sortir avec son conjoint, se sentir utile au travail ? » précise le chercheur. Enfin, il doit passer à l’action et agir en accord avec ses valeurs.
 
L’acceptation s’avère bénéfique autant pour la santé physique que mentale, souligne Frédérick Dionne. Elle diminue l’incapacité physique, le nombre de visites chez le médecin, la consommation d’analgésiques, voire dans certains cas l’intensité de la douleur. Et surtout, elle accroît substantiellement la qualité de vie.

«Au doctorat en médecine à l'Université de Montréal, le Mindfulness est une formation obligatoire, un cours siglé et crédité inscrit au cursus, et ce, depuis déjà deux ans», explique Louis-Philippe Thibault, externe au doctorat en médecine (MD) à l'Université de Montréal.
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La méditation pour lutter contre la solitude


Publié le 06 août 2012 à 08h03 | Mis à jour le 06 août 2012 à 08h03

L'attitude de pleine conscience consiste à être là... (Photo RelaxNews)
L'attitude de pleine conscience consiste à être là au moment présent, sans jugement, et en accueillant tout ce qui vient aussi bien de l'extérieur de soi que de l'intérieur.
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Une étude américaine montre que la méditation «mindfulness» aiderait les gens âgés à lutter contre le sentiment de solitude, tout en améliorant leur santé.













L'étude publiée dans la revue Brain, Behavior & Immunity, montre qu'après huit semaines de méditation en pleine conscience (à raison de deux heures et demi par semaine), les sujets se sentaient moins seuls.
L'attitude de pleine conscience consiste à être là au moment présent, sans jugement, et en accueillant tout ce qui vient aussi bien de l'extérieur de soi que de l'intérieur. Cette attitude est à la base de toutes les méthodes de méditation.
40 personnes, âgées de 55 à 85 ans, ont participé à ce programme de huit semaines appelé Mindfulness-Based Stress Reduction, qui a été mise en place par Jon Kabat-Zinn de l'école de médecine de l'Université du Massachusetts.
«Nous disons toujours aux gens d'arrêter de fumer pour des raisons de santé, mais on pense rarement aux effets de la solitude sur la santé», confie le directeur de l'étude J. David Creswell, dans un communiqué daté du 24 juillet. «Nous savons que la solitude est un grand facteur de risque sur la santé et la mortalité des seniors». Et d'ajouter que l'étude montre que la méditation en pleine conscience pourrait être «un moyen prometteur pour améliorer la santé des adultes plus âgés».

Des effets prouvés sur la santé des méditants
L'étude a par ailleurs montré, grâce à des échantillons de sang prélevés auprès des participants, que ce stage de méditation de huit semaines avait eu un effet sur leurs défenses immunitaires. Cette pratique a entraîné une diminution des mécanismes biologiques responsables d'une augmentation de la réponse inflammatoire du système immunitaire. Les chercheurs en ont conclu que la méditation pouvait «réduire le risque de maladie inflammatoire chez les seniors».
En plus de réduire le sentiment de solitude, des études précédentes ont montré que la méditation «mindfulness» avait des effets positifs sur le cerveau, et qu'elle pouvait être utilisée pour minimiser les risques de certaines maladies mentales.
En vidéo, entrevue (en anglais) avec le directeur de l'étude: