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vendredi, septembre 15, 2017

Bonne conscience à peu de frais


ÉDITORIAL
Robert Dutrisac
15 septembre 2017 |Robert Dutrisac | Canada | Éditoriaux
Le maire de Montréal, Denis Coderre, a décidé de débaptiser la rue Amherst dans une démarche de réconciliation avec les peuples autochtones. Effacer la mémoire de ce féroce militaire et premier gouverneur du Canada est certes un moyen facile de se donner bonne conscience. Or l’histoire du pays recèle de personnages racistes, cruels et véreux sur qui on peut jeter l’opprobre ; on a l’embarras du choix. Mais revisiter le passé ne change rien à l’intolérable condition réservée encore aujourd’hui aux autochtones.

Jeffery Amherst est un officier anglais dont la redoutable efficacité fut louée par la Couronne britannique. Les livres d’histoire lui imputent l’infâme responsabilité d’avoir ordonné qu’on offre des couvertures contaminées par la variole à des émissaires amérindiens de façon à propager la maladie chez l’ennemi. Il est établi qu’Amherst a demandé au colonel Henry Bouquet s’il était possible de transmettre la maladie aux Amérindiens et d’utiliser toute autre méthode pour éradiquer « cette exécrable race ». Mais des historiens qui ont examiné les faits doutent aujourd’hui que cette guerre bactériologique primitive ait vraiment eu lieu. D’une part, manipuler des étoffes infectées comportait de sérieux risques pour les Britanniques eux-mêmes. D’autre part, même si des couvertures avaient effectivement été remises aux Amérindiens, il n’existe aucune preuve que ce moyen ait été efficace. Pour ces historiens, il s’agit tout simplement d’une légende.
 
On le voit : il n’est pas toujours simple de condamner un bouc émissaire 254 ans après les faits. Et même 148 ans après les faits. En juin dernier, le premier ministre Justin Trudeau, accédant à une requête des représentants des Premières Nations, a annoncé que le nom d’Hector Langevin sera effacé de l’édifice qui abrite son bureau à Ottawa. On fait porter à ce Père de la Confédération et ministre des Travaux publics pendant un an et demi l’odieux de la création des pensionnats autochtones. Or c’est le premier ministre John A. Macdonald qui assumait la responsabilité des Affaires indiennes à l’époque, comme l’a rappelé dans nos pages le professeur Luc-Normand Tellier. Et si on relève une citation de Langevin où il prônait de séparer les enfants autochtones de leurs parents afin de les éduquer et de leur inculquer « les bons penchants des personnes civilisées », Macdonald a tenu des propos semblables à plusieurs occasions. Et c’est Macdonald qui a fait en sorte qu’on affame les autochtones afin de les forcer à se parquer dans des réserves.
 
Orangiste et raciste, Macdonald a méprisé les Indiens, réprimé les Métis et permis la pendaison de Louis Riel. Il a aussi imposé une taxe aux immigrants chinois, qui menaçaient, selon lui, le caractère « aryen » du Canada. Doit-on déboulonner ses statues et effacer son nom des rues, des places et des édifices, comme l’exige le syndicat des enseignants du primaire de l’Ontario ? C’est impensable.
 
Quant à Amherst, ce sera à la Commission de la toponymie du Québec d’accueillir la demande de la Ville de Montréal. On trouvera peut-être dans ce récit sur la variole subtile raison de le vouer aux gémonies, de façon posthume, il va sans dire. Le général James Wolfe a incendié la plupart des habitations le long du Saint-Laurent, mais c’était la pratique à l’époque de semer la désolation pour assurer une conquête ; l’histoire l’excuserait. Amherst, lui, a enfreint une règle qui voulait qu’on ne pouvait maltraiter les émissaires de l’ennemi.
 
Qui sera d’ailleurs le prochain personnage historique dont on voudra biffer le nom ? Robert Monckton (épelé Moncton par la suite) ferait sans doute un excellent candidat. C’est cet officier, exécutant les ordres, qui a brûlé les villages d’Acadie et dirigé la déportation des Acadiens. Il n’y a pas de rue Moncton à Montréal, mais il en existe une à Québec, là où se trouvait une partie des champs de bataille, près des rues Fraser et Murray (le gouverneur James Murray exerça une forte répression pour mater la résistance), mais aussi près des rues de Lévis, Bourlamaque et de Bougainville, des officiers de la Nouvelle-France, près aussi de l’improbable avenue Wolfe-Montcalm. Conquérants et conquis réunis.
 
À peu de frais, d’autant plus que les habitants de la Nouvelle-France, futurs Québécois, ne peuvent être tenus pour responsables des exactions britanniques, le maire Coderre pose un geste symbolique de réconciliation en effaçant le nom d’Amherst. Mais l’histoire nous rattrape, qu’on le veuille ou non, et le passé colonial persiste encore, si on considère le sort qui est réservé aux autochtones de nos jours. Plutôt que d’enterrer le passé, il vaudrait mieux changer le présent.

Alerte Amber: la camionnette retrouvée, aucune trace de Louka


Publié le 15 septembre 2017 à 06h31 | Mis à jour à 06h31

Louka Fredette...
Louka Fredette
L'angoissante course contre la montre pour retrouver le petit Louka se poursuit ce matin, après la découverte cette nuit à Lachute de la camionnette dans laquelle le fugitif Ugo Fredette aurait enlevé son fils après avoir laissé sa conjointe morte derrière lui.
Le véhicule a été retrouvé par les policiers abandonné dans une halte routière à l'angle des routes 329 et 148 vers 2 h du matin. Des maîtres chiens ont été déployés dans les alentours pour tenter de retrouver la trace des occupants. La SQ demande aux citoyens de redoubler de vigilance quant à la description physique du père et de l'enfant, car on ignore maintenant leur mode de déplacement.
L'alerte Amber avait été déclenchée hier lorsqu'Ugo Fredette, un homme fasciné depuis des années par les histoires de femmes et d'enfant disparus ainsi que les crimes non-résolus, a enlevé l'enfant.
Selon nos informations, c'est un voisin qui aurait appelé la police peu après 17 h 30. Véronique Barbe, gestionnaire d'une garderie et mère de trois garçons et d'une fille, a été découverte inanimée, poignardée à mort dans sa maison du boulevard Antoine-Séguin.
Les policiers refusaient de le confirmer hier soir, mais selon nos sources, les enquêteurs ont immédiatement relié le crime à son conjoint, Ugo Fredette. Âgé de 41 ans, il est le père du plus jeune enfant de la victime, le petit Louka, âgé de 6 ans. L'homme a pris la fuite dans une camionnette Ford F-250 en emmenant l'enfant. Une caméra de surveillance les a captés ensemble peu après dans le magasin Walmart de Saint-Eustache.
Les trois autres enfants de la victime n'étaient pas sur place au moment du crime.
La Sûreté du Québec a déclenché une alerte AMBER et les corps de police de toute la région se sont lancés à la recherche du père, pendant que des dizaines de personnes lui envoyaient des messages sur les réseaux sociaux l'exhortant à se rendre.
Au moment de publier ces lignes, le père et l'enfant n'avaient toujours pas été retrouvés.
«Je pense qu'il aimait beaucoup son enfant»
Henri Provencher, grand-père de Cédrika Provencher, a « un peu » connu Ugo Fredette, dans le cadre de la réalisation d'un documentaire sur la disparition de sa petite-fille. Il s'est directement adressé à lui sur Facebook en soirée.
« Message à Ugo, Te connaissant, je fais appel à ton coeur de père, ne commet pas l'irrémédiable, remet ton enfant aux policiers sans plus tarder, pour qu'il soit en toute sécurité. Merci d'agir en père responsable Ugo. Pense à ton enfant. 
« Je demande à tous ses contacts de lui faire parvenir ce message, en espérant qu'il le reçoive Un enfant n'a pas de prix. Merci de Partagez et partagez encore. SVP. »
Joint par La Presse, M. Provencher a expliqué qu'il tenait à lui demander de « ramener son enfant aux policiers, en s'adressant à son coeur de père ».
« Je pense qu'il aimait beaucoup son enfant, et la meilleure façon de le protéger, c'est de le rendre aux policiers, selon moi », a indiqué M. Provencher qui dit n'avoir « eu aucune nouvelle de lui depuis un très bon bout de temps ».
« Il en parlait [de son enfant] quand j'assistais à leurs séquences [...] Je veux tout simplement le ramener à la réalité et lui dire qu'un enfant ne doit pas subir les oeuvres des parents », a indiqué M. Provencher.
« Quand les parents s'entendent ou ne s'entendent pas, ça n'est pas l'affaire des enfants. [...] Si lui, il a des choses à affronter comme adulte, ça le regarde lui, et pas son enfant, tout simplement. »
Ugo Fredette collaborait à un documentaire sur le cas de Cédrika Provencher avec le réalisateur Stéphan Parent. Le projet, qui avait au départ reçu l'approbation de la famille, devait initialement servir à retrouver l'enfant disparue il y a 10 ans à Trois-Rivières, mais il aurait évolué après la découverte des ossements de Cédrika en 2015.
Henri Provencher a confirmé que la famille avait « décidé qu'il [le documentaire] ne devait pas avoir lieu, tout simplement », sans vouloir préciser pourquoi. « Je ne veux pas mélanger les choses ce soir », a-t-il indiqué.
«Pas toujours facile»
Ugo Fredette avait participé à plusieurs autres projets visant à faire connaître la peine des familles ayant perdu un proche en raison de crimes sordides non résolus. Sur l'internet, il demandait aux gens de lui envoyer des informations pour contribuer à faire avancer certaines enquêtes ou de les envoyer à l'avocat et ex-ministre de la Justice Marc Bellemare. Ancien employé d'une entreprise d'outillage de Laval, il avait été congédié en 2007 pour avoir « colporté diverses informations mensongères et diffamatoires », selon un jugement de la Commission des normes du travail.
Sa conjointe, avec qui il avait emménagé à cette adresse en 2010, participait à certaines de ses activités reliées aux disparitions de femmes et d'enfants, comme le montrent certaines de ses publications sur Facebook. Sous une photo de couple, le 20 août, il avait parlé de l'état de leur relation : « Ce n'est pas toujours facile, mais on fait de notre mieux », suivi d'une émoticône de coeur.
Véronique Barbe gérait à domicile la garderie Les petites guernouilles. Dans une annonce publiée sur le web, elle disait avoir ouvert une garderie après avoir acquis de l'expérience comme mère de quatre enfants. « Comme je dois me faire à l'idée que 4 enfants, c'est suffisant, j'ai décidé de me gâter avec VOS enfants ! », écrivait-elle.
« Accordez-moi le privilège de passer mes journées avec le petit soleil de votre vie, et soyez assurés qu'avec moi votre enfant sera heureux comme un poisson dans l'eau... ou bien comme une "guernouille" dans sa mare ! », pouvait-on lire.
Voisins sous le choc
Dans le quartier où le drame s'est joué, près du parc Binette et de l'école secondaire des Patriotes, plusieurs citoyens sous le choc se sont rassemblés devant le périmètre érigé par les policiers.
Mathis Vincent est allé à l'école avec un des fils de Véronique Barbe. Il voyait souvent la famille. « Ça m'étonne. Surtout ici où c'est très tranquille. » Même s'il ne lui parlait pas souvent, la mort de la femme lui fait mal. « Elle avait trois enfants. Il l'a tuée puis il est parti », a-t-il laissé tomber.
Valérie Millette, une étudiante qui habite tout près et qui a aussi fréquenté l'école avec un des fils de Mme Barbe, était très surprise. « J'étais au travail et en rentrant, j'ai vu les policiers qui étaient là et j'ai appris la nouvelle. Pour nous, c'est très surprenant parce que le quartier est très paisible. Mais ce sont des problèmes conjugaux qui arrivent », dit-elle.
La Sûreté du Québec doit faire le point ce matin sur cette affaire.