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mardi, juin 20, 2017

L'UPAC enquête sur un présumé «pont d'or» pour Jean Charest

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Publié le 15 juin 2017 à 05h00 | Mis à jour le 15 juin 2017 à 09h30
L'UPAC a interrogé, entre 2014 et 2016, plusieurs... (ARCHIVES PC)
L'UPAC a interrogé, entre 2014 et 2016, plusieurs témoins de la vie politique de Jean Charest sur un présumé «pont d'or», une importante somme d'argent qui lui aurait été concédée par des entreprises désireuses de le voir prendre la tête du Parti libéral du Québec, en 1998.
ARCHIVES PC
Dans le cadre de l'enquête Mâchurer sur le financement du Parti libéral, l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a interrogé, de 2014 à 2016, plusieurs témoins de la vie politique de Jean Charest sur un présumé «pont d'or», importante somme d'argent qui lui aurait été accordée par des entreprises désireuses de le voir prendre la tête du Parti libéral du Québec, en 1998.
L'ancien député d'Orford Robert Benoît est l'un de ceux qui ont été interrogés par les enquêteurs. L'UPAC l'avait rencontré une première fois avant le début de la commission Charbonneau. À sa grande surprise, à l'été 2015, les enquêteurs l'ont rappelé pour le voir de nouveau. «Je leur ai dit : ‟Mais je n'ai plus rien à vous dire, je vous ai tout raconté ce que je savais." Ils m'ont dit : ‟C'est sur quelque chose d'autre"», relate-t-il.
Cette seconde rencontre avec les deux policiers, qui s'est déroulée sur les rives du lac qui borde sa résidence, a duré plus de trois heures. «Ça a duré un avant-midi de temps, le questionnement sur le pont d'or, raconte M. Benoît. Lors de leur deuxième visite chez nous, je voyais que c'était juste là-dessus qu'ils gossaient, qu'ils essayaient de savoir... Moi, je leur ai dit : ‟Tout ce que j'ai lu sur le pont d'or, je l'ai lu dans les journaux."»
Les policiers ont eux-mêmes employé l'expression «pont d'or», précise M. Benoît. «C'est drôle, parce que je ne savais même pas si je devais appeler ça un pont d'or ou un parachute doré, et là, on a ri, eux et moi, on s'est entendus qu'on pouvait appeler ça un pont ou un parachute.»
De toute évidence, raconte l'ex-député, les policiers s'interrogeaient sur le train de vie de Jean Charest, et ce, dès la première rencontre. «Un des policiers m'a dit : ‟Vous, M. Benoît, on sait d'où vient votre argent. On sait que votre grand-père en 1907 a formé une compagnie. On le sait pourquoi vous avez une grosse maison. Mais dans le cas de M. Charest, comment il a fait pour acquérir cette grosse maison là ?"»
Joint hier, Jean Charest déplore que les enquêteurs de l'UPAC ne l'aient jamais rencontré sur ces questions. Il dit «avoir eu vent» de l'enquête de l'UPAC sur le pont d'or. «Elle semble avoir rencontré la "Terre entière", mais n'a pas cru bon de me rencontrer.» (voir la capsule à la fin du texte).
Dans les faits, l'existence d'un tel pont d'or n'a jamais été démontrée. Soulignons également qu'aucune accusation n'a été déposée contre Jean Charest. Devant une commission parlementaire, le grand patron de l'UPAC, Robert Lafrenière, indiquait en mai dernier que l'enquête Mâchurer n'était pas terminée. Il s'est engagé à mener cette enquête à terme, malgré les fuites médiatiques dont elle a fait l'objet. Questionnée sur nos informations, la porte-parole de l'UPAC, Anne-Frédérick Laurence, a simplement rappelé que l'UPAC ne commentait jamais une enquête en cours. 
En mars 2008, le Parti libéral du Québec (PLQ) a admis verser un «salaire d'appoint» à Jean Charest, qui s'élevait à 75 000 $ par an. Mais deux ans plus tôt, le média indépendantiste Le Québécois avait soulevé des questions sur la capacité de M. Charest, avec son salaire de premier ministre, de s'offrir deux résidences, à Westmount et dans les Cantons de l'Est - dans les faits, ce chalet était loué par la famille Charest. Le militant indépendantiste Patrick Bourgeois évoquait un possible «pont d'or» de la part de fédéralistes lors de son passage en politique provinciale, en 1998.
Le lendemain, ces allégations ont été reprises par deux journalistes du Journal de Sherbrooke. L'article a été qualifié de «tissu de mensonges» par le bureau du premier ministre. Jean Charest a menacé M. Bourgeois de poursuite, mais il n'est jamais passé à l'acte. Les deux journalistes qui ont rédigé l'article ont été congédiés par Québecor.
Des enquêteurs bien préparés
Dix ans plus tard, c'est la police qui s'est intéressée à ce fameux pont d'or dans le cadre de l'enquête Mâchurer, ont confirmé quatre autres sources à La Presse. Ces rencontres, qui duraient toujours environ deux ou trois heures, ont eu lieu de 2014 à 2016.
L'ancien chef de cabinet de Jean Charest Ronald Poupart a participé en 2014 à l'une de ces rencontres avec les enquêteurs de l'UPAC. «J'ai répondu que je n'étais pas au courant de ça, que j'en avais entendu parler à travers les médias», indique M. Poupart. Plus tard, il a ajouté : «Très franchement, je pense qu'ils allaient à la pêche, parce qu'ils n'insistaient pas.»
Mais pour un ancien membre de la garde rapprochée de Jean Charest, qui a rencontré les enquêteurs de l'UPAC au début de 2016, le présumé pont d'or est vite apparu comme la principale cible des enquêteurs. Et si l'expression «pont d'or» n'a pas été utilisée lors de l'interrogatoire, elle a suscité un interrogatoire bien préparé.
«L'UPAC arrive avec des feuilles dactylographiées. Ils ont des chaînes de questions. Il y a un analyste qui a fait ça : si tu réponds oui, il va à la question 8, si tu réponds non, il va à la question 9. C'est professionnel», explique cette personne, soulignant que l'UPAC testait ses hypothèses, selon elle.
Cette source était à même d'apporter des précisions à la police sur le train de vie de Jean Charest. Elle a pointé en direction des états financiers du PLQ, à la rubrique «bureau du chef», pour l'expliquer. Quelques années plus tôt, ce même témoin avait rencontré des enquêteurs de la commission Charbonneau et avait été questionné sur le même thème. Mais, ajoute-t-elle, les enquêteurs de la Commission étaient mal préparés, «des juniors», contrairement aux policiers de l'UPAC.
Le pont d'or, «c'est clair que c'est ça, le sujet [de l'enquête]», renchérit une quatrième source, qui est toujours en politique active et qui a elle aussi requis l'anonymat. «On parle du train de vie de Jean Charest qui ne colle pas avec les revenus qu'il avait.» Les policiers ont notamment questionné les témoins sur les voyages effectués par la famille Charest, les hôtels et les restaurants fréquentés, les travaux à leur résidence.
«Il y a deux niveaux d'enquête. Il y a le grand pont d'or, pour assumer le paiement de ce train de vie, et aussi comment le financement politique, ça se lie avec l'ensemble. Ils visent les deux, mais ils ont plus de misère avec le pont d'or. C'est plus dur à démontrer, mais c'est ce qu'ils cherchent», ajoute-t-elle.
Lors de ces rencontres, les enquêteurs n'ont pas évoqué les noms des personnes qui auraient accordé ce présumé «pont d'or» à Jean Charest. Des sommes précises n'ont pas été énoncées, affirme cet informateur.
Une cinquième source, qui a été impliquée au PLQ, a elle aussi été interrogée au cours de l'année dernière. «Ils travaillent sur le train de vie de Jean Charest», confirme-t-elle. Les policiers lui ont notamment demandé si l'ex-premier ministre détenait des comptes à l'étranger. «Je ne le savais pas», dit-elle. On l'a aussi questionnée sur les rénovations à la résidence principale de Montréal - une erreur, puisqu'elle est à Westmount - et au chalet de l'ancien premier ministre - une autre erreur, puisque c'était une location. «Je leur ai dit : ‟Écoutez, je n'ai jamais mis les pieds là."»
- Avec la collaboration de Denis Lessard
***
CHAREST SE DÉFEND
Joint hier, M. Charest s'insurge contre «le climat malsain qui règne au Québec, où les règles les plus élémentaires de justice sont bafouées, portant ainsi atteinte à la crédibilité et à la légitimité de nos institutions». Il ajoute «qu'il prend acte des témoignages récents devant la commission Chamberland sur le comportement de la SQ».
M. Charest indique avoir répondu à toutes les questions de la commission Charbonneau. Il avait d'ailleurs dégagé une large plage de temps à son agenda pour ce faire. Il nie formellement avoir reçu de l'argent du secteur privé lors de son passage en politique québécoise. «Jamais», répond-il. Les affirmations publiées en 2006 par Patrick Bourgeois sont pour lui farfelues et non crédibles, et c'est pourquoi il n'avait pas poursuivi à l'époque.

La chronologie des événements

DÉCEMBRE 1998
Jean Charest indique en conférence de presse qu'il a reçu un salaire du Parti libéral du Québec avant d'être élu. Il parle de ce salaire au passé. M. Charest précise à la même occasion avoir renoncé à recevoir sa pension fédérale.
OCTOBRE 2006
Le média partisan Le Québécois, sous la plume de Patrick Bourgeois, publie un article qui s'interroge sur la capacité de M. Charest à s'offrir deux résidences, à Westmount et dans les Cantons de l'Est, avec son salaire de premier ministre. Le militant indépendantiste évoque un possible « pont d'or » de la part des fédéralistes lors de son passage en politique provinciale, en 1998. L'article est qualifié de « tissu de mensonges » par le bureau du premier ministre. Jean Charest menace Bourgeois de poursuite, mais il ne passera jamais à l'acte.
OCTOBRE 2006
Deux journalistes du Journal de Sherbrooke, Alain Bérubé et Pascal Morin, sont congédiés par Québecor pour avoir repris les informations de M. Bourgeois dans les pages de leur journal. Jean Charest les met en demeure de se rétracter et Québecor publie des excuses.
MARS 2008
À la suite d'un reportage de TVA, le Parti libéral du Québec admet verser 75 000 $ par année à son chef depuis 1998, en plus de son salaire de premier ministre. Cet arrangement est « conforme aux lois », plaide Jean Charest. On apprend au même moment que l'Action démocratique du Québec verse 50 000 $ par an à son chef.
DÉCEMBRE 2008
Patrick Bourgeois publie La Nébuleuse, un livre dans lequel il reprend ses questions au sujet d'un pont d'or fait à M. Charest.
JANVIER 2012
L'Assemblée nationale adopte de nouvelles règles qui interdisent désormais à un parti politique d'accorder une somme d'argent à un député, que ce soit directement ou indirectement.

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Décès de l'étudiant libéré par Pyongyang, Trump dénonce un «régime brutal»

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Publié le 19 juin 2017 à 17h05 | Mis à jour le 20 juin 2017 à 07h53
Otto Warmbier discute avec des journalistes après sa... (ARCHIVES AP)
Otto Warmbier discute avec des journalistes après sa confession forcée, Pyongyang, en février 2016.
ARCHIVES AP
ANNE RENAUT
Agence France-Presse
Washington
L'étudiant américain Otto Warmbier, rapatrié le 13 juin dans le coma après 18 mois de détention en Corée du Nord, est décédé lundi, le président Donald Trump dénonçant un régime nord-coréen «brutal», dont les relations avec les États-Unis sont déjà extrêmement tendues.
«Beaucoup de choses terribles se sont passées. Mais au moins nous l'avons ramené chez lui pour qu'il soit avec ses parents», a déclaré le président américain peu après l'annonce, par la famille, de la mort du jeune homme de 22 ans.
Dans un communiqué, il a souligné sa détermination «à empêcher que des innocents ne subissent de telles tragédies aux mains de régimes qui ne respectent pas l'État de droit ou la décence la plus élémentaire».
Le secrétaire d'État Rex Tillerson a lui estimé dans un communiqué que la Corée du Nord était responsable de sa «détention» et a réclamé la libération des trois Américains encore derrière les barreaux du régime communiste.
La Chine a pour sa part déploré mardi la mort d'Otto Warmbier, appelant Washington et Pyongyang au dialogue pour résoudre leurs différends.
«Je crois qu'il s'agit d'une affaire malheureuse», a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Geng Shuang. «Nous espérons que la Corée du Nord et les États-Unis la traiteront de manière appropriée».
M. Tillerson et le chef du Pentagone Jim Mattis doivent recevoir mercredi deux des responsables chinois les plus importants afin d'approfondir le dialogue entre les deux premières puissances mondiales et tester la volonté chinoise sur le dossier nord-coréen.
Le père d'Otto Warmbier, Fred, lors d'une conférence... (REUTERS) - image 2.0
Le père d'Otto Warmbier, Fred, lors d'une conférence de presse à Cincinnati le 15 juin.
REUTERS
«Mauvais traitements»
«Entouré par sa famille qui l'aime, Otto est décédé aujourd'hui à 14H20» (18H20 GMT), a écrit la famille d'Otto Warmbier.
Quand le jeune homme est revenu chez lui, à Cincinnati, dans l'Ohio (nord), il présentait de graves lésions cérébrales, selon ses médecins. «Il était incapable de parler, incapable de voir et incapable de réagir à des commandes verbales. Il semblait très mal à l'aise, presque angoissé», a rappelé sa famille lundi.
Mais «bien que nous ne n'allions plus jamais entendre sa voix, en une journée la contenance de son visage avait changé - il était en paix. Il était chez lui et nous pensons qu'il pouvait le sentir», ont ajouté ses parents Fred et Cindy.
Sa famille a dénoncé à nouveau «les mauvais traitements, atroces et barbares» que leur fils a subis selon eux en Corée du Nord, où il avait été arrêté en janvier 2016 pour avoir tenté de voler une affiche de propagande.
Son compagnon de voyage Danny Gratton est le seul Occidental à l'avoir vu être arrêté. «Otto n'a pas opposé de résistance. Il ne semblait pas avoir peur», a-t-il confié au Washington Post lundi.
Présenté à la presse étrangère quelques semaines après son arrestation, Otto Warmbier avait déclaré, en pleurs, avoir fait «la pire erreur de (sa) vie».
Après l'annonce de son décès, l'agence de voyages Young Pioneer Tours, par laquelle Otto Warmbier s'était rendu à Pyongyang, a annoncé sur Facebook qu'elle renonçait à emmener des Américains en Corée du Nord. «Le risque pour les Américains visitant la Corée du Nord est trop élevé», a déclaré l'agence.
Venu en Corée du Nord dans le cadre d'un voyage organisé pour le Nouvel An, le jeune Américain avait été jugé en moins d'une heure et condamné à 15 ans de travaux forcés en mars 2016.
Peu après son procès, il avait plongé dans un coma dont les causes restent inconnues, selon ses médecins. Le type de lésions neurologiques dont il souffrait résulte d'ordinaire d'un arrêt cardio-respiratoire.
L'équipe médicale avait d'autre part démonté l'explication fournie par le régime nord-coréen en indiquant n'avoir pas relevé de trace de botulisme dans l'organisme du jeune homme.
Portant la veste de son fils sur ses épaules, Fred Warmbier avait exprimé son émotion et son indignation jeudi lors d'une conférence de presse, se disant «fier» de son fils, «qui s'est retrouvé chez un régime paria ces 18 derniers mois, maltraité et terrorisé».
Kenneth Bae, un missionaire chrétien américain d'origine coréenne,... (REUTERS) - image 3.0
Kenneth Bae, un missionaire chrétien américain d'origine coréenne, a été détenu par la Corée du Nord pendant plus d'un an.
REUTERS
Stratégie des otages
La mort d'Otto Warmbier survient dans un contexte de tensions exacerbées entre les États-Unis et la Corée du Nord sur le programme d'armement nucléaire que Pyongyang continue de développer.
Le régime communiste, qui a un piètre bilan en matière de droits de l'homme, est isolé sur la scène internationale en raison de ses ambitions militaires. La Corée du Nord a multiplié les tirs de missiles depuis le début de l'année, suscitant à chaque fois la colère de Washington et les condamnations de l'ONU.
Trois Américains sont toujours détenus en Corée du Nord, deux hommes qui enseignaient dans une université de Pyongyang financée par des groupes chrétiens étrangers et un pasteur Américano-Coréen accusé d'espionnage au profit de Séoul.
D'anciens détenus comme Kenneth Bae ont fait état de longues journées de labeur, de problèmes médicaux et d'abus psychologiques. Mais d'autres ont parlé de conditions de détention tolérables.
Reste à savoir si la mort de l'étudiant va porter un coup fatal à la stratégie nord-coréenne --bien huilée-- des otages, qui servent de monnaie d'échange diplomatique.
Des spécialistes ont jugé improbable que Pyongyang ait délibérément fait plonger un ressortissant américain dans le coma.

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