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mercredi, mars 01, 2017

Les avocats feront sentir leur mécontentement

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Publié le 01 mars 2017 à 07h02 | Mis à jour à 07h02
La grève des juristes de l'État prend fin aujourd'hui après quatre... (PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE)
La grève des juristes de l'État prend fin aujourd'hui après quatre mois de débrayage.
PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
Forcés de rentrer au travail aujourd'hui après quatre mois de grève, les juristes de l'État vont faire sentir au gouvernement leur mécontentement. L'employeur ne doit attendre aucune collaboration de ses avocats.
Jean Denis, président de l'association Les avocats et... (photo Jacques Boissinot, la presse canadienne) - image 1.0
Jean Denis, président de l'association Les avocats et notaires de l'État québécois (LANEQ)
PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE
Obtenu par La Presse, un courriel qui circule chez les juristes de la Société de l'assurance automobile du Québec est limpide sur le climat de résistance qui s'installera dans les contentieux des ministères et organismes. La missive en 11 points précise que les horaires de travail de sept heures par jour seront « respectés scrupuleusement ». Mais la direction aura à préciser les directives quand les avocats sont affectés a l'extérieur ; « il faudra que les gens aient le choix de revenir le soir s'ils le désirent et soient payés pour les heures supplémentaires que cela implique ».
Au Tribunal administratif du Québec, les avocats devront « geler à leur agenda le temps de préparation et de déplacement ». Les autres demandes « seront donc traitées à la lumière du temps disponible » avec temps supplémentaire s'il y a lieu. « On veut davantage jouer le livre », a expliqué l'auteur de la note, Me Jean-François Tardif, joint hier soir. Le temps de déplacement « ne se transformera plus en bénévolat », par exemple.
« Le temps supplémentaire sera demandé systématiquement de façon formelle à l'aide du formulaire approprié même si la direction a déjà annoncé sa décision de le refuser. » De plus, « toute demande de temps supplémentaire se fera en argent puisque le choix nous revient en vertu de la convention collective ».
Dès leur retour au tribunal, les juristes vont demander des remises, des reports et n'accepteront plus de surcharge pour trois mois « pour reprendre le contrôle de [leurs] bureaux ». Les syndiqués opposeront un « refus de tout nouveau mandat, projet, comité pour l'instant, surtout si cela a pour but de "rattraper" les effets de la grève ». Il n'y aura pas de « service-conseil » pendant trois mois, « réévaluation par la suite ».
PAS DE « MOT D'ORDRE »
En point de presse après l'adoption de la loi, le président de l'association Les avocats et notaires de l'État québécois (LANEQ), Jean Denis, soutenait pourtant que la loi interdisait une grève du zèle. « On va respecter la loi [...]. Est-ce qu'il y aura un mot d'ordre de lancé ? Absolument pas, les gens vont rentrer au travail, les gens que je représente sont des gens responsables. » 
« Pensez-vous que les juristes vont être heureux en rentrant au travail ? Absolument pas ! Est-ce qu'ils vont faire leur travail ? On a toujours fait notre travail, on est respectueux des autorités, des institutions. » « On rentre la tête haute, mais le retour au travail va être évidemment très difficile », a-t-il lancé.
Pour Me François Desroches Lapointe, membre du bureau de direction de l'association, on doit s'attendre à ce que les syndiqués « soient plus pointilleux », mais un article de la loi adoptée hier prévoit que les juristes devront respecter la loi, et le message du syndicat ira en ce sens, indiquait-il en soirée.
Mais le courriel des syndiqués prévient que les cadres se feront demander « de ne pas en mettre trop sur le bonheur de nous revoir. Nous ne sommes pas trop d'humeur pour une chanson, une fête ou une célébration ». Il n'y aura pas de « rencontre individuelle pour discuter de nos sentiments. Rencontre de groupe seulement ».
UNE « ODIEUSE » LOI 
Plus tôt après l'adoption de la loi, le syndicat avait prévenu qu'il entendait transporter son combat sur le terrain des tribunaux. Avec deux recours plutôt qu'un.
Des démarches sont lancées pour contester devant la Cour supérieure « l'odieuse » loi spéciale du gouvernement Couillard sitôt qu'elle a été adoptée sous le bâillon, hier, par 52 voix contre 38. Les députés de l'opposition ont voté contre.
Pour le syndicat, cette loi est inconstitutionnelle, car elle « brime le droit de grève ». 
« C'est une loi faible, assez facile à contester, jusqu'à la Cour suprême s'il le faut », dit Jean Denis, président de LANEQ.
Les juristes poursuivent également Québec pour près de 37 millions devant le Tribunal administratif du travail, l'accusant de « négociation de mauvaise foi ».
« On peut donc dire que ce n'est que partie remise », a affirmé M. Denis.
105 JOURS
La loi spéciale prévoit une nouvelle ronde de négociations et le recours éventuel à un médiateur. Les parties ont maintenant un maximum de 105 jours pour s'entendre. En cas d'échec des pourparlers, les avocats et les notaires se verront imposer des hausses salariales inférieures à la dernière offre du gouvernement et à celles accordées au reste de la fonction publique : 6,75 % en cinq ans au lieu de 9,15 %.
Pour Jean Denis, « c'est un autre fusil sur la tempe » de la part du gouvernement. « On n'a pas plié devant ce gouvernement-là, et on ne pliera jamais », a-t-il lancé, laissant présager des pourparlers ardus au cours des prochaines semaines.
Le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, souhaite que le retour au travail « se fasse de la façon la plus harmonieuse ». La loi spéciale est nécessaire en raison de l'intransigeance du syndicat et parce que la grève « constitue une entrave sérieuse au fonctionnement du gouvernement et au processus judiciaire », a-t-il plaidé.
Après avoir condamné le recours à la loi spéciale, le Parti québécois comme la Coalition avenir Québec se sont engagés à accorder aux juristes un comité indépendant sur leur rémunération, comme celui qui existe pour les procureurs de la Couronne, s'ils forment le gouvernement.