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lundi, février 06, 2017

Une femme battue perd un œil et poursuit son ex-conjoint pour 275 000 $

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PUBLIÉ AUJOURD'HUI À 5 H 16

À 22 ans, E.A. ne voit plus de l'œil gauche. Sa vision s'est mise à baisser après que son conjoint lui ait donné un coup de poing en plein visage, alors qu'elle était enceinte il y a quatre ans. La Montréalaise poursuit son ex-conjoint au civil et demande aussi des comptes à son ancienne belle-mère.
Un texte de Geneviève Garon
E.A avait 16 ans lorsqu'elle a rencontré A. T.-C, en 2010. Selon sa demande introductive d'instance, son conjoint est rapidement devenu « de plus en plus jaloux et possessif ». Les coups, les claques, les crachats, les insultes et les menaces se seraient multipliés sur une base quotidienne, à la maison comme en public.
Une fois, il lui aurait fracassé la tête contre un mur de brique. À une autre occasion, il l'aurait trainée au sol en la tirant par les cheveux.
En octobre 2012, elle affirme qu'il lui a donné un coup de poing sur l’œil, alors qu'elle était enceinte de leur fille. À l'hôpital, il l'aurait forcée à mentir pour expliquer sa blessure. Par la suite, sa vision s'est embrouillée du côté gauche, jusqu'à ce que « tout devienne noir » l'été suivant.
Une femme victime de violence conjugale
La Maison de Connivence à Trois-Rivières accueille chaque année entre 160 et 190 femmes victimes de violence.
 Photo : iStock
Après plusieurs rendez-vous médicaux, elle a appris qu'il lui faudra une prothèse oculaire.
A.-T.C. a été accusé de voie de fait grave. En novembre dernier, « il a plaidé coupable à une accusation de voie de fait causant des lésions à l'œil de son ex-conjointe et harcèlement » explique celui qui était procureur de la Couronne au dossier, Éric Poudrier.
L’homme de 23 ans s'était aussi reconnu coupable de vol qualifié et de séquestration, dans une autre affaire, ce qui lui a valu un total de cinq ans d'emprisonnement.
La belle-mère, un bourreau elle aussi?
E. A. estime que la mère de son ex-conjoint a aussi contribué à ses malheurs.
La femme de 42 ans, T.T., aurait fait des « menaces et eu un comportement intimidant ». Alors que son fils était en prison, elle l’aurait aidé à harceler la demanderesse, en faisant des appels conférence à trois ou en allant sonner directement chez elle. E.A. soutient que sa belle-mère savait que son fils était violent et qu’elle faisait pression sur sa bru pour ne pas qu’elle le dénonce.
E.A. affirme souffrir « d’anxiété et de paranoïa » et avoir perdu l’estime de soi.
Elle poursuit son ex-conjoint pour 275 000 $ et son ancienne belle-mère pour 25 000 $.
Une longue bataille
Pour obtenir gain de cause, une victime doit prouver le lien direct entre les coups reçus et ses séquelles. « Toute personne qui par sa faute cause un dommage direct à quelqu'un est responsable », explique l’avocat Julius Grey.
Pour ce qui est de la faute de la belle-mère, la tâche pourrait être plus complexe. « Si par son comportement, elle a facilité le harcèlement, elle peut être tenue responsable », affirme l’avocat Marc-André Nadon. Par contre, « tout est une question de preuve et de contexte », nuance-t-il. Ainsi, une mère qui aurait suivi les instructions de son fils en craignant elle-même pour sa sécurité pourrait être exonérée.
Une dette qui ne s’efface pas
Selon la directrice générale de l’Association plaidoyer-victimes, Marie-Hélène Blanc, il est plutôt rare qu’une victime de violence conjugale poursuive son agresseur. « La plupart du temps, la personne n'est pas solvable. […] À l’occasion, il y aura entente hors-cour. Mais la victime reçoit souvent un montant ridicule. »
Et même si la victime se rend jusqu’au bout et que le tribunal lui donne raison, il ne peut pas garantir qu’elle recevra son dû. Toutefois, selon Me Grey, même si le défendeur fait faillite, cela n’efface pas la dette. « Elle va le suivre jusqu’au tombeau ».
Marie-Hélène Blanc souligne que les délais en cour peuvent être très longs. Des mois, voire des années peuvent s’écouler avant un règlement.