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mercredi, février 01, 2017

Trump: le pari risqué de Londres pour bâtir son Brexit

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Publié le 01 février 2017 à 09h21 | Mis à jour à 09h21
Theresa May «ne veut pas mettre Trump en... (AFP)
Theresa May «ne veut pas mettre Trump en colère (...), et il observe très attentivement comment elle se comporte», souligne le Professeur Brian Klaas,expert de la London School of Economics.
AFP
EDOUARD GUIHAIRE
Agence France-Presse
Londres
La première ministre Theresa May rêvait de faire de l'axe Washington-Londres un moteur du Royaume-Uni post-Brexit mais son obligeance à l'égard du président Donald Trump la fragilise sans lui garantir le résultat escompté.
Rappel des faits, et d'une séquence de quelques jours qui constitue probablement l'impair politique le plus significatif de la dirigeante conservatrice depuis sa prise de fonctions, en juillet, dans la foulée du vote pour la sortie de l'UE.
Theresa May s'envole pour les États-Unis le 26 janvier, portée par l'espoir d'ébaucher des discussions commerciales avec la première puissance mondiale, et fière d'être la première dirigeante étrangère à être reçue par un président américain qui ne tarit pas d'éloges sur le Brexit.
«Parfois, les contraires s'attirent», minaude même la première ministre, avant d'annoncer que Donald Trump effectuerait d'ici la fin de l'année une visite d'État au Royaume-Uni.
Mais si Theresa May s'imaginait alors peut-être revenir triomphalement à Londres, elle a vite déchanté. Accusée d'avoir beaucoup trop tardé à critiquer le décret anti-immigration du président américain, elle se voit également reprocher de dérouler le tapis rouge à un homme imprévisible et accusé de discrimination.
La reine dans «l'embarras»?
En quelques jours, une pétition en ligne réunit près de 1,8 million de personnes réclamant que sa future visite soit ramenée au rang de simple visite afin d'éviter à la reine «l'embarras» d'une rencontre protocolaire avec le décrié milliardaire américain.
Et «tout ce qui embarrasse la reine a un impact dramatique dans la vie politique britannique», souligne le professeur Iain Begg, chercheur à l'Institut européen de la London School of Economics.
Mais l'invitation a été lancée, et l'on voit difficilement comment Theresa May pourrait la déclasser sans vexer profondément le magnat de l'immobilier américain, qui n'a jamais caché son admiration pour Elizabeth II.
Theresa May «ne veut pas mettre Trump en colère (...), et il observe très attentivement comment elle se comporte», souligne le Pr Brian Klaas, un autre expert de la LSE.
Le problème, poursuit M. Begg, «c'est qu'elle a besoin d'un succès avec les Américains pour contrebalancer la possibilité que les choses tournent mal dans les négociations européennes» sur le Brexit.
Reste que Theresa May mise beaucoup sur son partenaire américain sans être assurée d'un retour sur investissement.
«Les États-Unis ont un déficit commercial avec le Royaume-Uni» et si Donald Trump applique dans les négociations commerciales la doctrine qu'il a développée lors de son investiture («l'Amérique d'abord»), «rien ne garantit que ce sera intéressant» pour les Britanniques, prévient l'expert.
«Les États-Unis ne vont pas lui faire de cadeau», renchérit une source diplomatique européenne, en soulignant que Trump «a les réflexes d'un homme d'affaires».
«Risque politique»
En faisant, si tôt, et si franchement, la paire avec Donald Trump, Theresa May a pris «un risque politique», estime Iain Begg, rappelant, avec l'exemple de Tony Blair, que de telles liaisons peuvent se révéler empoisonnées.
Taxé d'avoir été le «caniche» de George Bush, l'ancien Premier ministre britannique est accusé d'avoir suivi tête baissée le président américain dans l'invasion de l'Irak en 2003.
Pour l'éditorialiste Dani Garavelli du journal The Scotsman, Theresa May, obnubilée par un accord commercial avec les États-Unis, s'est placée dans une position de «soumission», au risque d'apparaître comme la «complice» de Donald Trump.
Quel contraste, insiste-t-elle, avec la chancelière allemande Angela Merkel, beaucoup plus ferme avec lui, et que l'histoire jugera certainement «avec bien plus de clémence» que Theresa May.
Finalement, résume le Financial Times, l'élection de Donald Trump «a fait passer le Brexit du stade d'une décision risquée, à celui de catastrophe».
«L'empereur Néron, ajoute le journal en usant de la métaphore historique, a pris le pouvoir à Washington et les Britanniques n'ont plus qu'à sourire et applaudir tandis qu'il met le feu à la maison».