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samedi, février 25, 2017

Québec impose du renfort à la SQ pour enquêter sur le SPVM

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Le mal est si profond que le ministre Coiteux associe le BEI et d’autres corps policiers aux enquêtes

25 février 2017 | Québec 
Isabelle Porter - Avec La Presse canadienne à Québec
Philippe Orfali
Le ministre Martin Coiteux
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir
Le ministre Martin Coiteux
Devant de « nouveaux éléments » liés à la crise qui ébranle depuis une semaine le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a dû se résoudre vendredi à déclencher une vaste enquête administrative et à élargir la portée de l’investigation policière présentement en cours.
 
Après une semaine de révélations explosives portant sur la fabrication d’éléments de preuve et des irrégularités en tous genres au sein de la division des enquêtes internes du SPVM, après avoir maintenu que la participation du BEI n’était pas requise, Martin Coiteux se ravise en partie. Des « informations sérieuses » reçues tard jeudi soir et concernant « plusieurs cas additionnels » lui ont fait comprendre l’existence de « problèmes systémiques »« concernant notamment les pratiques en matière d’enquête interne au SPVM ». C’est pourquoi la directrice du BEI, Madeleine Giauque, codirigera les efforts, avec un haut gradé de la Sûreté du Québec. Des policiers de la Gendarmerie royale et d’autres corps de police québécois seront aussi appelés en renfort.
 
Le gouvernement Couillard commande également une enquête administrative « sur les pratiques en matière d’enquête interne et de gestion » au SPVM, ainsi que sur toute autre pratique « susceptible de mettre en péril la confiance des citoyens envers leur corps de police ». Celui ou celle qui présidera cette enquête devra être nommé au cours des prochains jours.
 
Enfin, le chef de police de Montréal, Philippe Pichet, devra également expliquer ce qu’il entend faire « pour éviter que la situation s’amplifie ». M. Coiteux a refusé de dire si Philippe Pichet avait toujours sa confiance.
 
« Prenez note de l’ampleur des mesures que j’annonce aujourd’hui, ça vous donne une idée des préoccupations que je peux avoir », a-t-il dit en point de presse. Les témoignages transmis au bureau du ministre Coiteux par des policiers du SPVM feraient état de cas « plus complexes » que ceux décrits dans divers reportages depuis mardi, lorsque l’émission JE a révélé que le second plus important service de police municipal au pays aurait fabriqué des preuves afin de faire taire des employés qui auraient voulu dénoncer des cas de corruption au sein des forces de l’ordre.
 
Réactions
 
Le maire Coderre a affirmé être totalement d’accord avec le train de mesures annoncé par Québec en vue de faire le ménage au sein du SPVM. « Les différentes solutions qu’il a proposées [vont] attaquer en profondeur les problèmes qui minent le Service. » Contrairement à M. Coiteux, il a réaffirmé son soutien pour le chef de police Pichet. « Quand il a été nommé, on a dit qu’il ne faisait partie d’aucun clan […]. Il est donc tout à fait normal, à moins qu’il y ait des faits contraires, de lui accorder notre confiance. »
 
Quoi qu’il en soit, des « gestes » seront posés à la conclusion des deux enquêtes déclenchées par Québec, a-t-il ajouté.
 
Le directeur Pichet s’est quant à lui engagé à collaborer aux enquêtes gouvernementales. « Nous commençons immédiatement à produire le rapport que demande le ministre sur les mesures que nous mettrons en place pour assurer l’intégrité de notre travail. »
 
Les mesures annoncées par le ministre Coiteux sont insuffisantes, rétorque l’opposition à l’Hôtel de Ville et à l’Assemblée nationale. « Tant que l’administration Coderre persiste à bloquer toute tentative pour rendre plus transparentes les procédures de reddition de comptes de la haute direction du SPVM, la culture malsaine qui afflige cette organisation persistera et les scandales vont continuer de fuser de toutes parts », a insisté la chef de Projet Montréal, Valérie Plante.
 
Porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique, Pascal Bérubé s’est dit soulagé de voir la directrice du BEI « enfin » mise à contribution… mais déplore que celle-ci n’ait pas été chargée du dossier dès le début, comme plusieurs le réclamaient.
 
La Coalition avenir Québec aurait par ailleurs voulu qu’on suspende Philippe Pichet de ses fonctions le temps de la réalisation de ces deux enquêtes. Le fait que la SQ soit toujours mêlée à l’enquête préoccupe son porte-parole, André Spénard. « Il y a trop de complicités entre les corps de police. C’est encore la police qui enquête sur la police. Ils vont se protéger entre eux. »
 
Même son de cloche chez Amir Khadir, de Québec solidaire. « C’est une espèce de tentative encore une fois de ne pas se rendre à l’évidence que c’est une crise de confiance grave. »
Crise au SPVM : une enquête sur plusieurs frontsUne enquête interne : Le ministre envoie un commissaire « à l’intérieur du SPVM » pour faire une enquête administrative. Son attention sera concentrée sur la division des enquêtes internes. Selon ce que les témoins allèguent, c’est de là qu’auraient émané les règlements de comptes entre policiers et la fabrication de preuves. Reste à nommer un commissaire « très bientôt », a dit le ministre. Déjà, le Parti québécois demande que les oppositions aient voix au chapitre dans la décision.

La directrice du BEI, sans le BEI : Le fait que l’enquête sur le SPVM ait été confiée à la SQ dérange depuis le début et les partis d’opposition ont réclamé toute la semaine qu’on la confie au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Vendredi, le ministre a de nouveau indiqué que le BEI, une « une jeune organisation »,n’était pas en mesure de s’en charger, mais propose un compromis en donnant la « cogestion » de l’enquête à la patronne du BEI, Madeleine Giauque, qui travaillera avec le directeur général adjoint de la SQ, Yves Morency.

Des renforts de partout En plus de Me Giauque, le ministre a requis l’aide des services de police de Québec, Longueuil et Gatineau. La GRC sera aussi plus présente.

Pichet toujours en poste, mais… : Malgré l’ampleur de la crise, le ministre n’a pas limogé le patron du SPVM. Prié de dire s’il lui faisait toujours confiance, le ministre n’a pas répondu, se contentant de dire que « c’est important de faire la lumière ».