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jeudi, janvier 19, 2017

La grève des juristes de l'État paralyse la justice administrative

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EXCLUSIF
Publié le 19 janvier 2017 à 05h00 | Mis à jour à 05h00
Les avocats et notaires du gouvernement du Québec... (PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE)
Les avocats et notaires du gouvernement du Québec sont en grève générale illimitée depuis le 24 octobre 2016.
PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
Denis Lessard
DENIS LESSARD
La Presse
(Québec) On s'en doutait, mais voici des chiffres. La grève des avocats et notaires du gouvernement paralyse les tribunaux administratifs; la machine fonctionne à bas régime depuis le début du débrayage, en octobre.
C'était silence radio du côté de l'association qui représente les 1100 avocats et notaires du gouvernement, en grève depuis le 24 octobre. Son président, Me Jean Denis, a envoyé mercredi matin un courriel à tous les membres pour expliquer son silence. Il voulait préparer la rencontre qu'il a aujourd'hui avec le nouveau titulaire du Conseil du trésor, Pierre Moreau.
Mais en coulisse, le ton a monté entre Québec et ses procureurs. L'association a transmis mercredi à la ministre du Travail, Dominique Vien, deux plaintes visant des «briseurs de grève». Selon l'association Les avocats et notaires de l'État québécois, un stagiaire au ministère de la Justice a travaillé à préparer les deux commissions d'enquête enclenchées récemment par Québec sur les sources journalistiques et les rapports entre les autochtones et les organismes gouvernementaux. L'Assemblée nationale a par ailleurs embauché un avocat après le début de la grève.
Tribunal en panne
Au seul Tribunal administratif du Québec (TAQ), les avocats ont été en quasi-totalité exemptés de fournir les services essentiels. Comme la Cour suprême a reconnu le droit de grève comme fondamental, les avocats de Québec ont soumis et obtenu plus de 1100 «remises» aux avocats qui exercent leur droit constitutionnel à la grève. «À partir de ce moment, à moins de raisons très sérieuses, on doit accepter la demande de remise», a expliqué à La Presse un juge du TAQ sous le couvert de l'anonymat.
Non seulement les audiences sont suspendues, mais les réunions préparatoires ou les séances de conciliation sont aussi annulées.
Pour chaque dossier, une phrase type - «le dossier devra être traité en priorité» -, mais dans chaque cas, il s'écoulera plusieurs mois avant que la cause soit réactivée.
Résultat net : le nombre de décisions a fondu comme neige au soleil. En décembre 2015, il s'était pris 464 décisions au TAQ; en décembre dernier, après un mois de grève, seulement 204 dossiers ont été fermés. En bonne partie, il s'agit de causes qui avaient déjà été entendues et n'attendaient plus qu'une décision, ou de litiges dans lesquels une décision sur l'aide sociale ou la santé mentale est contestée - il n'y a pas de juriste de l'État dans ces causes.
Au TAQ, 85% des dossiers viennent du secteur social. Et dans cette chambre, «le gros du volume [concerne] des indemnisations en vertu du régime d'assurance automobile public». Or, «tout est remis» dans ce créneau. Même situation pour les litiges entre les contribuables et la Régie des rentes quand une décision de l'organisme est contestée. Même chose pour les dossiers d'indemnisation de victimes d'actes criminels. Les justiciables ne perdent pas leurs droits, leur cause est inscrite, mais ils doivent prendre leur mal en patience.
Machine au ralenti
Selon les chiffres de la Société québécoise d'information juridique, les autres organismes quasi judiciaires où le travail des avocats est essentiel sont aussi frappés par une quasi-paralysie. À la Régie des alcools, de courses et des jeux, qui traite notamment les litiges sur les permis d'alcool, le nombre de dossiers réglés était de 34 en décembre 2015. En décembre dernier, un mois après le début de la grève, il ne s'est réglé que 12 dossiers.
Le Comité de déontologie policière avait statué dans six dossiers en décembre 2015, mais aucun n'était réglé en décembre dernier. La Commission de protection du territoire agricole a pris 147 décisions en décembre 2015, mais il n'y a eu que 98 dossiers conclus en décembre 2016. Même tendance à la Commission des transports, où le nombre de décisions est passé de 210 à 98 si on compare les deux mois de décembre. Finalement, la Régie des marchés agricoles a réduit son rythme de verdicts des deux tiers : de 16 en décembre 2015, on passe à 5 en décembre dernier.

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