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samedi, décembre 10, 2016

RÉFUGIÉS SYRIENS La lune de miel des Darwish avec le Québec

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Quelques jours après son arrivée, la famille Darwish prend ses repères

Sara, Batoul, Adel et leurs parents, Marwa et Feras Darwish, au parc La Fontaine
Sara, Batoul, Adel et leurs parents, Marwa et Feras Darwish, au parc La Fontaine
Photo: Guillaume Levasseur Le Devoir

Dans le parc La Fontaine, sous un coin de ciel bleu, les trois enfants Darwish pourchassent les écureuils et se livrent à une bataille de neige fraîche. Bien emmitouflée, leur maman Marwa est tout sourire au bras de son mari, Feras, qui avance dans le sentier le manteau détaché et sans couvre-chef, rappelant qu’après tout ce qu’il a vécu ces dernières années, le froid ne peut tout simplement pas être considéré comme une épreuve.

Depuis son arrivée à l’aéroport Trudeau mardi soir dernier, la famille Darwish ne tarit pas de mercis, un mot français qu’elle connaît bien maintenant. Merci aux agents des douanes, merci aux membres du groupe de parrainage et à leurs familles, merci au responsable de la coopérative où ils ont leur logis dans Hochelaga-Maisonneuve. « Merci au Canada et à tous ses habitants. On les aime », ne cesse-t-il de répéter, ouvrant tout grand ses yeux expressifs.

La lune de miel avec le Québec ne fait que commencer. « Encore cette nuit, Marwa ne m’a pas laissé dormir, lance Feras avec un air taquin. Elle se réveille en pleurant, en me demandant si on rêve. » Après l’émouvante rencontre à l’aéroport de mardi, deux des marraines du groupe, Rafaëlle Sinave et Maude Ménard-Dunn, ont séparé bagages et famille dans deux voitures pour les accompagner jusqu’à leur maison et leur remettre les clés.

La porte s’est ouverte sur un coquet et chaleureux appartement tout meublé, et un frigo bien rempli. Sous l’oeil amusé des marraines et des quelques amis venus donner un coup de main, les trois enfants ont vite repéré leurs chambres. Surexcité, l’aîné, Adel, qui ouvrait frénétiquement les portes des garde-robes, a crié de joie en découvrant des vélos. Tandis que Sara, 10 ans, sautait à côté de son lit, la petite Batoul, 7 ans, a refermé derrière elle la porte de sa chambre rose princesse, comme pour protéger les quelques jouets et poupées qui s’y trouvaient. Cela fait des mois que les Darwish vivent et dorment dans des appartements de moins de deux pièces. Que chacun ait sa chambre est en soi un véritable luxe.

« Bonyeu, donne-moé une job ! »

Lorsque Maude est allée déjeuner chez les Darwish le lendemain, la radio était allumée à un poste francophone quelconque et les enfants dansaient au son de Bonyeu donne-moé une job des Colocs. « C’était vraiment drôle », a dit Maude, l’air de dire « ça ne s’invente pas ». Endormis sur le divan, Tom et Boos jouaient très bien leur rôle de chat et chacun des Darwish vaquait à ses occupations, le plus normalement du monde. « Ils avaient déjà commencé à mettre l’appartement à leur main. » Sur la table au milieu des victuailles trônait une pinte de lait en carton percée avec un couteau… Comment, en effet, ouvrir un contenant qu’on n’a jamais vu ?

Mille et une questions

Les premiers jours, voire heures, sont ainsi une série d’apprentissages et d’adaptations, tantôt cruciaux, tantôt cocasses. Les Darwish avaient mille questions. Marwa a voulu se faire expliquer comment fonctionnait le four avec de drôles de ronds en spirale ou cet appareil que l’on nomme ici « sécheuse ». Quant à Feras, il s’enquérait de la valeur des choses, du salaire moyen. Après quelques jours, il s’étonne toujours du caractère paisible de la ville, de voir que la police ne l’arrête pas à tous les coins de rue. Il s’étonne aussi de constater que les journaux et les médias jouissent encore d’une crédibilité et ne sont pas des véhicules de propagande de l’État. « En Syrie, quand tu vois quelqu’un se promener avec un journal sous le bras, c’est qu’il va laver des vitres », lance-t-il.

En attendant d’inscrire ses enfants à l’école et de commencer la francisation, ce père de famille caresse le rêve de devenir pompier pour pouvoir, à son tour, « sauver des gens ». Il y a un an, lui a rappelé Facebook, il écrivait sur son profil que la situation était complètement « folle [crazy] » à Alep, alors que les bombes et les tirs d’obus pleuvaient de partout. À son arrivée à Montréal, cette fois sous une pluie de flocons, c’est un tout autre message qu’il a écrit. « Merci de nous donner une deuxième chance dans la vie. » Si la gratitude avait un visage, elle aurait celui de Feras Darwish.

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