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mardi, novembre 01, 2016

Faut-il abandonner le gluten ? Le décryptage

http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc

Le sans gluten, impossible de passer à côté. Dans les grandes surfaces, il s'affiche un peu partout et a même son propre rayon. Chaque jour, les industriels inondent toujours un peu plus les magasins de ces nouveaux produits supposés bénéfiques pour l'organisme. Qu'en est-il vraiment ? Faut-il abandonner le gluten ?

La nouvelle tendance du sans gluten

La nouvelle tendance du sans gluten
Le blé a longtemps eu cette image d’aliment respirant la santé. D’ailleurs, sa consommation a considérablement augmenté au cours de la seconde partie du XXème siècle, tout comme l’espérance de vie1. Il est même devenu plus apprécié que le riz en Chine et en Inde2. Mais depuis peu, tout a changé. Une nouvelle tendance s’est installée en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux Etats-Unis : éviter la consommation de blé, et plus particulièrement de gluten, cette grosse molécule formée naturellement lors du pétrissage de la farine de blé. La tendance est si prononcée que la consommation de blé a commencé à décliner1.
Certes, il existe bien une pathologie liée au gluten, qu’on appelle la maladie cœliaque, mais celle-ci ne toucherait qu’à peine 1 % de la population. Or, l’Association française des intolérants au gluten (l’AFdiag) a répertorié en 2014 plus de 80 marques de produits dédiés, soit huit fois plus que cinq ans auparavant. Une étude de 2015 a d’ailleurs montré que le marché du "sans gluten" était fort lucratif, celui-ci ayant grimpé à 40 millions d’euros  en grandes et moyennes surfaces3. Que se passe-t-il donc ? Se peut-il que la maladie cœliaque se propage à vitesse grand V ? Ou bien est-ce une tendance liée à la pression du public ? Tous ces consommateurs peuvent-ils vraiment se tromper ? Ce dossier propose justement de trier le bon grain de l’ivraie.
Le saviez-vous ?

Lors d'un récent sondage effectué sur PasseportSanté, vous êtiez prêt de 70 % à affirmer que le gluten nuisait au système digestif tandis que 10 % niait sa nocivité en dehors de la maladie coeliaque.

Le gluten et ses maladies associées

Le gluten et ses maladies associées
Il a désormais souvent un rayon à son nom, mais au fond, qu’est-ce que le gluten ? Il s’agit d’une fraction de protéines insolubles dans l’eau (principalement constituée de gliadine et de gluténine) qui apparaît après le lavage à l’eau d’une farine de blé, mais aussi de seigle et d’orge. Ses propriétés visqueuses et élastiques le rendent très utile pour la confection du pain, des pâtes, et des produits à base de céréales cuits au four.

La maladie coeliaque, une pathologie génétique

Malheureusement, la multiplication des produits contenant du gluten a permis de mettre en lumière une pathologie grave, il y a plusieurs décennies : la maladie cœliaque (parfois également appelée l’intolérance au gluten). II s’agit d’une maladie intestinale chronique, d’origine immunitaire et observée chez des personnes génétiquement prédisposées lorsqu’elles consomment des produits contenant du gluten. Son fonctionnement est désormais bien connu : quand les personnes touchées consomment ce type de produit, leur organisme induit une réponse immunitaire qui va endommager les villosités intestinales (petits replis de la muqueuse) et empêcher les nutriments d’être absorbés correctement. Il en résulte alors des problèmes intestinaux, ainsi qu’une possible malnutrition. Caractérisée par la présence d’auto-anticorps spécifiques (et donc facilement diagnostiquable), elle ne toucherait qu’à peine 1 % de la population occidentale1.
On connaît également l’allergie au blé, et plus particulièrement à ses protéines. Mais, il existerait une autre forme d’intolérance au gluten : la sensibilité au gluten non-cœliaque. Trois études majeures2-4se sont attelées à définir de manière précise ce nouveau trouble lié au gluten. De façon intéressante, l’une d’entre elles figure en tête des études téléchargées sur le journal BMC Medicine. Une preuve de plus que le sujet fascine, au sein de la communauté scientifique comme dans l’opinion publique.
Cette sensibilité au gluten n’aurait pas grand-chose à voir avec la maladie cœliaque : on ne retrouverait ni les anticorps spécifiques à la pathologie, ni les dommages au niveau de la muqueuse intestinale. Et pourtant, la consommation provoquerait le même type de symptômes ! La labellisation de ce trouble a longtemps fait débat parmi les experts. Elle reste aujourd’hui une terminologie vague, qui reflète le peu de connaissances existant à son sujet. Quels sont ses symptômes ? Qui est vraiment touché ?

Sensibilité au gluten : les symptômes d'une pathologie encore floue

Sensibilité au gluten : les symptômes d'une pathologie encore floue
Vous l’aurez compris, la sensibilité au gluten ne fait pas encore l’unanimité. Beaucoup ont d’ailleurs affiché leur scepticisme lorsqu’elle a commencé à être décrite dans les années 801. Après les travaux de Sapone en 20102 portant sur les figures cliniques de la maladie, un nombre croissant d’études ont été publiées très rapidement, confirmant que la sensibilité au gluten non-cœliaque devait bien être incluse dans les troubles liés au gluten. Plusieurs aspects comme l’épidémiologie, le mécanisme pathologique et le traitement restent à clarifier mais les symptômes commencent à être bien connus.

Un tableau clinique classique pour la sensibilité au gluten

La sensibilité au gluten est caractérisée par des symptômes qui surviennent généralement après l’ingestion d’aliments contenant du gluten. Ils disparaissent avec l’arrêt de la consommation de ces produits, mais reviennent dès lors qu’on les consomme à nouveau, dans les 6 heures à compter de l’ingestion pour la moitié d’entre eux2. Le tableau clinique est une combinaison des symptômes typiques du syndrome de l’intestin irritable, incluant les douleurs abdominales, les ballonnements, les désordres intestinaux (diarrhée ou constipation) et des manifestations systémiques comme le mal de tête, la fatigue, les douleurs articulaires et musculaires, l’engourdissement des bras et des jambes, des problèmes de peau, la dépression et l’anémie2,3.

Pas de complications à long terme ?

Le diagnostic est difficile à établir : la plupart du temps, la maladie est souvent suspectée par les personnes elles-mêmes à partir de la privation et de la réintroduction des aliments contenant du gluten. Si pour un certain nombre d’entre eux, l’amélioration des symptômes après l’arrêt du gluten relève de l’effet placebo, ce n’est pas le cas pour tout le monde, et la recherche l’a prouvé5. En revanche, aucune complication de la sensibilité au gluten n’a été décrite6.

Sensibilité au gluten : qui est vraiment touché ?

Sensibilité au gluten : qui est vraiment touché ?
La prévalence exacte de la sensibilité au gluten est toujours inconnue, principalement parce que la plupart des personnes s’auto-diagnostiquent et commencent une diète sans gluten sans le moindre avis médical. Une étude du Royaume Uni avait montré que la maladie auto-diagnostiquée concernerait environ 13 % de la population1 (dont 80 % sont des femmes), ce qui semble largement au dessus du nombre effectif de personnes touchées par une véritable sensibilité au gluten.

Les vrai "sensibles au gluten" sont moins nombreux que prévus

Les études montrent que pour une personne atteinte de la maladie cœliaque, il y aurait six ou sept personnes possiblement affectées par la sensibilité au gluten. En clair, selon les études, la part de la population susceptible d’être touchée varie de 1 à 6 %2,3 de la population. Les femmes semblent davantage touchées que les hommes. On est donc bien en dessous du nombre de personnes qui estiment être victimes de ce trouble. D’ailleurs, plusieurs études ont montré que certaines d’entre elles sont en fait victimes de l’effet nocebo, l’alter égo de l’effet placebo, utilisée lorsqu’une substance semble nuisible à leurs utilisateurs même si elle est objectivement inoffensive. En effet, au cours d’une diète sans gluten, la réintroduction de produits censés en contenir (mais qui n’étaient en fait que de simples placebo sans gluten), a fait réapparaître les symptômes chez certains se disant sensibles au gluten4,5.
Au cours d’une autre étude récente sur des personnes qui avaient décidé par eux-mêmes d’éviter le gluten, les chercheurs ont constaté que 30 % d’entre eux se voyaient en fait diagnostiquer une autre pathologie : bactéries intestinales, intolérance au fructose ou au lactose, colite microscopique, dysfonctionnement du plancher pelvien, etc6.
Comme il n’existe aucun biomarqueur de cette affection, le diagnostic peut être envisagé par un professionnel de santé sur la base des symptômes et après avoir écarté la maladie cœliaque et l’allergie au blé. L’élimination du gluten pendant deux ou trois mois, couplée à l’amélioration des symptômes après l’élimination et à leur retour après la reconsommation du gluten sont des indications possibles de la sensibilité au gluten.

Les relations du gluten avec l'autisme et le syndrome de l'intestin irritable

Les relations du gluten avec l'autisme et le syndrome de l'intestin irritable
Les relations complexes entre le syndrome de l’intestin irritable et les protéines du blé ont été récemment étudiées. Les personnes touchées par la maladie cœliaque rapportent souvent des symptômes très proches de ceux de l’intestin irritable, et qui persistent après le début de la diète sans gluten. Néanmoins, la recherche n’est pas parvenue à montrer qu’une diète avec ou sans gluten avait des effets significatifs sur le transit intestinal.
Au cours d’une autre étude, les plaintes gastro-intestinales des participants se sont améliorées pendant une diète, dite FODMAP. FODMAP est un acronyme pour désigner un groupe de glucides qui sont faiblement absorbés et qui procurent de ce fait des substances servant à nourrir les bactéries de l’intestin. Le blé contient certains de ces glucides (notamment des fructanes) et c’est la raison pour laquelle certains chercheurs ont justifié les bienfaits d’un régime sans gluten car le blé est une source possible de ces FODMAPs. Néanmoins, la thèse n’est guère très crédible car les légumes constituent une source bien plus riche de FODMAPs que le blé.

L’autisme lié à la sensibilité au gluten ?

Les Troubles du spectre autistique (TSA) forment un groupe de troubles du développement humain caractérisés par des anormalités dans les interactions sociales et la communication, ainsi que par des intérêts limités. Les TSA font partie des troubles qui se sont développées à une vitesse alarmante ces dernières années. Les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux effets de l’alimentation sur des maladies telles que l’autisme, l’hyperactivité ou le déficit d’attention.
Certains d’entre eux ont émis l’hypothèse que les symptômes pouvaient être causés par des molécules (des peptides opioïdes) formées par la digestion incomplète des aliments contenant du gluten et de la caséine. L’augmentation de la perméabilité intestinale liée à ces produits permettrait ensuite aux peptides de traverser la membrane intestinale, d’entrer dans la circulation sanguine, puis de traverser la barrière hémato-encéphalique, au niveau du cerveau. Là-bas, ces opiacés affecteraient le système nerveux et entraîneraient l’apparition des TSA1. Cette théorie est encore très controversée au sein de la communauté scientifique. Une étude récente a permis de montrer une perméabilité intestinale anormale plus fréquente chez les personnes touchées par l’autisme (37 % contre 5 % chez les sujets normaux). D’autre part, les personnes autistes qui ont choisi une diète sans gluten et sans caséine ont significativement baissé leur perméabilité intestinale contrairement à ceux qui ont opté pour un régime classique2. La théorie n’en est pas pour autant validée : des travaux supplémentaires devront être réalisés pour l’accréditer davantage.

Le régime sans gluten, un vrai intérêt ?

Le régime sans gluten, un vrai intérêt ?
Une majorité d’experts de la maladie cœliaque ont initialement réagi avec scepticisme devant l’existence supposée de la sensibilité au gluten. Pour d’autres professionnels de santé, il y a comme un air de déjà-vu. Vingt ans auparavant, la maladie cœliaque avait suscité le même effet : nous n’avions alors aucune information pour expliquer les mécanismes de la maladie. Depuis, le nombre de publications à son sujet a explosé, nous permettant de comprendre de mieux en mieux les phénomènes impliqués dans le processus.
Outre les mécanismes intervenant dans la sensibilité au gluten, il faudra également répondre à un certain nombre de questions : est-elle permanente ou transitoire ? Le seuil de déclenchement de la maladie est-il le même pour tous, ou change-t-il en fonction de la personne, voire en fonction de l’âge ? Quelle est la vraie prévalence de la sensibilité au gluten ? Existe-t-il des marqueurs spécifiques permettant d’être certain du diagnostic ?
En attendant les réponses manquantes, le phénomène du « sans gluten » continue de croître. Y a-t-il des raisons de s’inquiéter à propos des gens qui adoptent un tel régime ? Pour l’instant, non. L’une des inquiétudes majeures de ces produits sans gluten était la valeur de leur indice glycémique. En effet, les produits sans gluten offrent des challenges majeurs à l’industrie alimentaire en termes de caractéristiques organoleptiques, technologiques et nutritionnelles. Des études avaient montré à quel point l’absence de gluten affectait la digestion de l’amidon, ce qui modifiait la réponse glycémique postprandial. Mais depuis quelques années, les technologiques sans gluten ont évolué. Une étude récente a montré que plusieurs produits sans gluten avaient des IG bas et moyens1. Compte tenu de la grande variété des processus de préparation, il convient néanmoins de poursuivre les recherches.
Une chose est sûre : les personnes atteintes de la maladie cœliaque n’ont pas seulement besoin d’un traitement sans gluten à vie, elles ont aussi besoin qu’il soit très pointu : la moindre trace de gluten est capable d’endommager leur muqueuse intestinale. Et si l’on se fie aux conclusions d’une étude, les produits « sans gluten » sont loin d’être irréprochables2...

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