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mardi, mars 08, 2016

De King à Trudeau: une histoire des visites canadiennes à Washington

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Publié par La Presse Canadienne le mardi 08 mars 2016 à 10h32. Modifié par Charles Payette à 10h54.
De King à Trudeau: une histoire des visites canadiennes à Washington
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WASHINGTON - Il était une fois... des premiers ministres canadiens qui se rendaient souvent aux États-Unis, attrirant le regard des journalistes américains.
Justin Trudeau, qui se rendra trois fois aux États-Unis au cours du seul mois de mars n'a donc rien inventé. L'actuel chef de gouvernement sera reçu à la Maison Blanche cette semaine, ira prononcer un discours devant un groupe de femmes à New York, la semaine prochaine, et participera à un sommet international sur le nucléaire qui se déroulera dans la capitale américaine à la fin du mois.

On se croirait revenu au temps de Mackenzie King.

La Presse Canadienne a regardé la couverture médiatique de toutes les visites effectuées par les premiers ministres canadiens depuis 1933. La tendance est claire: les visites se font de moins en moins fréquentes et elles attirent de moins en moins d'attention.

En 1933, quand le conservateur R. B. Bennett est venu à Washington, pas moins de 500 personnes l'attendaient sur la pelouse de la Maison Blanche. À une époque révolue, non seulement les premiers ministres s'adressaient au Congrès mais, ce qui est inimaginable de nos jours, le gouverneur général Vincent Massey le fit aussi, en 1954. Son discours avait même fait la une du prestigieux New York Times.

Un grand nombre de journalistes se rendaient en masse à l'ambassade canadienne avant d'écrire de longs articles même si Mackenzie King ne disait rien, lui qui venait à Washington plusieurs fois par année pour rencontrer son ami Franklin D. Roosevelt.

«Quand l'un des hommes d'État favoris de la capitale vient à Washington, on ne peut que s'attendre à ce qu'il soit invité à dîner et célébré, écrivait un chroniqueur mondain du Washington Post en 1942. On ignore combien de temps ce premier ministre célibataire demeurera à Washington mais un grand nombre d'hôtesses de notre capitale qui aimeraient bien le divertir seront sans doute déçues car il s'agit assurément d'un 'voyage d'affaires'.»

King est déjà entré dans la chambre de FDR pour lui lire une note alors que le président était encore au lit.

Mais ces voyages se firent plus rares après la Deuxième Guerre mondiale.

Les avions long-courrier transportèrent les dirigeants vers d'autres destinations plus lointaines. Les rencontres bilatérales firent place aux réunions internationales sous les auspices des Nations Unis. Au cours des huit années qu'il fut premier ministre, Louis St-Laurent ne vient à Washington qu'à quelques reprises.

Les Américains perçurent les Canadiens comme étant plus ambivalents, ce que décrivait un journaliste du Chicago Tribune en 1956 à l'occasion du premier sommet entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. «Le Canada s'abstient généralement de parler d'affaires commerciales avec les pays d'Amérique latine, étant certain de pouvoir conclure de meilleures ententes bilatérales avec Washington.»

Lester Pearson est venu visiter à quelques reprises pendant un court laps de temps. Il fit la une du New York Time et du Washington Post, souriant avec John F. Kennedy, à la résidence familiale du président américain, à Cape Cod.

Mais ses visites subséquentes furent placées sous le signe de la tragédie. Il vint aux funérailles de Kennedy. Il lui rendit hommage au début de 1964 à son arrivée à la Maison Blanche. «Je suis très conscient aujourd'hui de l'immense deuil qui a privé ce pays d'un grand et jeune président.»

Lui et Lyndon B. Johnson eurent quelques rencontres fructueuses. Ils signèrent le Traité du fleuve Columbia et s'entendirent sur un libre-échange commercial sur les pièces d'auto. Les journaux américains prédirent alors que ce Pacte de l'auto serait le signe précurseur d'une entente plus vaste.

Mais Pearson ne revint jamais à la suite du profond différent de 1965. Le premier ministre, qui venait de prononcer un discours contre la guerre du Vietnam, avait été agressé par le président qui l'avait saisi au collet en grondant: «Ne venez pas dans mon salon pour pisser sur mon tapis».

Les journaux américains remarquèrent la tension entre les deux chefs de gouvernement. Mais cet échange vif ne fut publiquement connu que quelques années plus tard.

On ne peut dire la même chose de Brian Mulroney, qui lui s'entendit fort bien avec les présidents de son temps.

Une semaine après avoir prêté serment à titre de premier ministre, il vint à Washington. Un titre du Wall Street Journal le décrit ainsi: «Un ami franc des États-Unis à Ottawa».

Il demeura fidèle aux Américains. La graine du libre-échange fut semée lors du premier sommet Mulroney-Reagan. Le premier ministre canadien demeura proche de son homologue, prononçant l'éloge lors des funérailles de Ronald Reagan. Il était là lorsqu'un jeune Jeb accrocha accidentellement son père George H. Bush avec un hameçon lors d'un voyage de pêche.

Mais à l'époque, les journaux américains ne se préoccupaient guère des négociations commerciales. Ils remarquèrent toutefois une baisse d'intérêt pour le Canada.

Quelques années plus tard, certains relatèrent les efforts de Jean Chrétien pour devancer le président mexicain Vicente Fox pour être le premier leader à être accueilli par un autre Bush, George W., celui-là. Le New York Times publia alors un article démontrant de manière statistique le manque d'intérêt des médias américains pour le Canada. Le journaliste observa qu'un grand nombre d'entreprises médiatiques avaient fermé leurs bureaux canadiens. Il n'y avait que cinq journalistes à temps plein à Ottawa contre 50 à Mexico.

Quant à Stephen Harper, il avait droit de temps en temps à un article habituellement louangeur d'un journaliste conservateur. Le gouvernement dut même payer pour obtenir l'attention des médias américains. Il engagea des consultants démocrates et républicains afin d'organiser des entrevues permettant au premier ministre d'expliquer aux Américains comment le Canada avait surmonté la crise financière.

Il ne faudrait pas oublier un autre Trudeau, le père de Justin.

«Le monde qui ne songe que rarement au Canada et aux Canadiens se montre soudainement intéressé à Pierre Elliott Trudeau, le plus improbable des premiers ministres, peut-on lire dans un portrait tracé par le Washington Post en 1969. Quelle sorte de nation élit un leader issu d'une minorité insatisfaite et d'une élite intellectuelle, un Bohémien et un jeune radical en colère ?»

Un autre article attira l'attention sur les comportements excentriques du premier ministre, ses sauts périlleux, ses positions renversées et ses manies de descendre un escalier en glissant sur la rampe. Le New York Times le qualifia de «groovy». Au cours de cette première visite, Trudeau déclara qu'être le voisin des États-Unis, c'était comme coucher avec un éléphant.

La colère de l'éléphant monta avec le temps.

Trudeau mit les Américains en colère en ordonnant une grande réduction des exportations de pétrole vers les États-Unis en plein choc pétrolier. Un célèbre parlementaire le prévint lors d'une visite que cette mesure entacherait les relations canado-américaines.

A la fin de sa carrière politique, Trudeau fit une tournée mondiale pour promouvoir la paix. Les journaux les plus importants y consacrèrent des articles sans lui donner la une. Quelques éditoriaux le trouva admirable, d'autres le jugèrent plutôt chimérique.

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