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jeudi, novembre 26, 2015

Le pape au Kenya: des «attaques barbares» injustifiables au nom de Dieu

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Publié le 26 novembre 2015 à 09h15 | Mis à jour à 09h15
Arrivé dans sa papamobile découverte et accueilli par... (PHOTO THOMAS MUKOYA, REUTERS)
PHOTO THOMAS MUKOYA, REUTERS
Arrivé dans sa papamobile découverte et accueilli par des chants et hululements, le pape François a dans son homélie mis en avant la défense de la famille.

CYRIL BELAUD
Agence France-Presse
NAIROBI
Quelques centaines de milliers de catholiques kényans ont bravé la pluie et le froid pour communier avec le pape François, en visite pour la première fois en Afrique, jeudi à Nairobi, où il a dénoncé l'utilisation de Dieu pour justifier «haine» et «violence» et appeler à défendre la famille.

Le pape dénonce la violence au nom de Dieu

Le pape François a très fermement condamné jeudi la radicalisation des jeunes qui sont «rendus extrémistes» pour commettre des «attaques barbares» injustifiables au nom de Dieu, appelant musulmans, protestants et catholiques à résister ensemble.
«Notre conviction commune est que le Dieu que nous cherchons à servir est un Dieu de paix! Son saint Nom ne doit jamais être utilisé pour justifier la haine et la violence», a-t-il répété.
À la nonciature apostolique (ambassade du Saint-Siège) à Nairobi, Jorge Bergoglio s'adressait aux représentants des Églises anglicanes, luthériennes, méthodistes, pentecôtistes, ainsi qu'aux dignitaires de l'islam et des religions animistes.
«Je sais combien est vivant en vous le souvenir laissé par les attaques barbares au centre commercial Westgate (de Nairobi), à l'Université de Garissa (est) et à Mandera (nord-est)», a-t-il lancé dans une allusion à une série d'attaques spectaculaires et meurtrières menées au Kenya par les islamistes shebab somaliens depuis deux ans.
«Trop souvent des jeunes sont rendus extrémistes au nom de la religion pour semer discorde et peur et pour déchirer le tissu même de notre société», a-t-il lancé deux semaines après les attentats de Paris commis par de jeunes musulmans radicalisés.
Pour cette raison notamment, a-t-il dit, «le dialogue oecuménique et interreligieux n'est pas un luxe, n'est pas optionnel, c'est quelque chose dont notre monde, blessé par des conflits, a toujours plus besoin».

Arrogance des hommes et mépris à l'égard des femmes

Même si les fidèles y ont vu une «bénédiction de Dieu», la météo n'a pas favorisé les desseins papaux. Environ 200 000 personnes, selon les médias kényans, ont garni les jardins de l'Université de Nairobi pour assister à cette messe, ainsi qu'un parc du centre-ville où avaient été installés des écrans. On est loin du million de fidèles attendu.
Les intempéries sont fréquentes en ce mois de novembre, qui correspond à la petite saison des pluies au Kenya. Mais elles tombent normalement la nuit et s'estompent d'ordinaire au petit matin, ce qui n'a pas été le cas jeudi.
Une pluie fine a succédé aux fortes averses nocturnes et l'état du ciel a pu dissuader nombre de personnes de se déplacer. Quelques courageux ont tout de même trouvé la force de venir de loin.
«C'est un moment très important dans ma vie, parce que je n'ai jamais eu la chance jusqu'ici d'assister à une messe du pape», explique Paul Ndivangu, venu de Nyeri, à environ 200 km au nord de Nairobi, et arrivé à l'université à 4 h du matin.
Avant la messe, cet homme d'affaires espérait entendre François parler de corruption, d'environnement et des valeurs familiales lors de sa visite au Kenya. Il quittera le pays vendredi pour aller en Ouganda et en Centrafrique.
«Il y a trop de divorces, ce qui est mauvais, dit-il. La famille, c'est très important. Je suis très heureux d'être là.»
Ses voeux ont été exaucés. Arrivé dans sa papamobile découverte et accueilli par des chants et hululements, le souverain pontife a dans son homélie mis en avant la défense de la famille.La cellule familiale «est particulièrement importante aujourd'hui que nous assistons à l'avancée de nouveaux déserts créés par une culture du matérialisme, de l'égoïsme et de l'indifférence», a-t-il notamment estimé.
Le Saint-Père a également dénoncé les attitudes qui tendent à «favoriser l'arrogance des hommes et le mépris à l'égard des femmes», appelant à défendre la famille et à protéger «l'innocent pas encore né».
«Nous sommes appelés à résister aux pratiques qui favorisent l'arrogance chez les hommes, qui blessent ou méprisent les femmes, qui ne soignent pas les anciens et qui menacent la vie des innocents qui ne sont pas encore nés», a déclaré le pape François.
«La santé de toute société dépend toujours de la santé des familles. La foi dans la parole de Dieu nous appelle à soutenir les familles dans leur mission à l'intérieur de la société, à accueillir les enfants comme une bénédiction pour notre monde», a-t-il dit.
«Je m'en souviendrai toute ma vie»
Devant la scène sur laquelle il s'exprime, des milliers de sièges ont été installés, la plupart réservés aux invités. À l'écart, les spectateurs pataugent debout dans l'herbe boueuse devant des écrans. Des milliers de parapluies multicolores donnent une allure de fête à l'ensemble.
Un peu partout, des militaires ou policiers, pour certains en armes, sont visibles. Environ 10 000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés pour assurer la sécurité de l'événement.
«C'est très important pour les catholiques», estime Stephen Kola, un étudiant en ingénierie à Nairobi et l'un des volontaires chargés de garantir que «l'événement soit un succès».
«C'est important pour moi d'être ici, parce que je veux voir le pape et écouter son message», ajoute-t-il. «J'aimerais qu'il parle de paix, de pardon, d'amour et aussi d'unité.»
Le Kenya n'est pas épargné par les tensions ethniques. Le pape a ainsi appelé à rejeter le «préjugé et la discrimination», pendant qu'étaient prononcées des prières en swahili, la langue nationale, et en masaï, kiborana et turkana, des langues locales.
Ses quelques mots en swahili à l'issue de l'homélie sont salués par un tonnerre d'applaudissements. Tout au long de la messe, de nombreux fidèles ont chanté et dansé.
Pour la communion, des centaines de prêtres, sous des parapluies tenus par des volontaires, distribuent l'hostie, les gens se rassemblant autour d'eux par petits groupes.
«J'étais ici pour remercier Dieu en compagnie d'un successeur de Saint-Pierre. C'était une opportunité unique», explique après la cérémonie Peter Gachui, un homme d'affaires de Nairobi, qui a jugé «merveilleux» le discours du pape.
«Il nous a encouragés en tant que familles, que nation, que différentes tribus et différentes religions à travailler ensemble et à construire nos fondations sur le rocher qu'est Dieu», explique-t-il. «Je m'en souviendrai toute ma vie.»