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vendredi, octobre 09, 2015

Le vertige du pouvoir

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9 octobre 2015 |Lise Payette | Québec
Ce moment précis dont je vais vous parler est inscrit dans ma mémoire pour toujours. Nous sommes en 1976 et le Parti québécois vient d’être élu. Monsieur Lévesque a fait le choix de ses ministres et nous assistons à notre premier Conseil des ministres. On ne se connaît pas tous très bien et pour ma part, certains d’entre eux m’impressionnent beaucoup. Je reste donc calme devant tout cet enthousiasme.
 
René Lévesque prend la parole. C’est le silence. Il explique que la plupart d’entre nous n’ont aucune expérience de ce qui nous attend. Il parle de ses découvertes à lui quand il s’est retrouvé ministre et nous donne quelques conseils. Il dit ceci : « Le pouvoir c’est comme l’alcool, il y en a qui ne portent pas ça. » Il prend le temps d’expliquer pourquoi nous sommes élus et le droit absolu du citoyen, quelle que soit son allégeance, de nous savoir à son service.
 
J’ai repensé à tout ça cette semaine en constatant le sort qu’on réserve à ceux à qui le pouvoir fait perdre la tête. J’ai écrit souvent « que le pouvoir rend fou » et j’en suis de plus en plus convaincue. J’ai déjà dit aussi que j’ai vu ce phénomène déstabilisant se produire sous mes yeux quand j’étais en politique. Je ne donnerai pas de noms, mais autour de la table du Conseil des ministres, en quatre ans, nous en avions perdu plusieurs.
 
Au cours de la semaine qui se termine, nous avons démoli des statues de gens de pouvoir. Lise Thibault, qui s’est laissée piéger quand on lui a offert de devenir la représentante de la reine au Québec et qui a fini par le croire à un point tel qu’elle ne réalise probablement pas ce qui lui est arrivé par la suite, a connu ses premières nuits en prison. L’humiliation que ça doit être pour elle après avoir bénéficié des privilèges qui venaient avec le titre qu’elle avait reçu. Ce qui m’agace, c’est que dans son cas, ses dépenses étaient forcément examinées et approuvées par deux ordres de gouvernement. Ils auraient pu intervenir bien avant qu’elle s’enfonce dans des dépenses douteuses parce qu’elle avait cru qu’elle était reine et donc intouchable. Triste fin.
 
Marcel Aubut, par contre, doit bien se demander ce qui vient de le frapper en plein front. Notre « Donald Trump » québécois tirera sûrement sur toutes les ficelles qui sont à sa portée pour se tirer d’affaire. Et des ficelles, il en a en quantité, car il a toujours soigné son image dans tout ce qu’il a entrepris. Il a toujours eu besoin d’une cour sur laquelle il exerce un contrôle sans relâche. Il s’est hissé au sommet à la force du poignet et il a la réputation d’être indispensable quand il faut ramasser de l’argent. Le pouvoir lui sert d’oxygène.
 
Il serait atteint, disent certaines, d’une main baladeuse dont il n’hésite pas à se servir, semble-t-il, rendant ainsi certains rapports difficiles. La main de l’autorité et du pouvoir ne peut pas se balader à sa guise sur un autre être humain en promettant un meilleur emploi, une augmentation de salaire ou un petit voyage d’amoureux. Son mauvais exemple, pour d’autres dans des situations semblables, forcera peut-être la réflexion. C’est souhaitable, car cette « marchandisation » du corps des femmes est vraiment démodée, ridicule et injuste.
 
La troisième statue qui a mangé une volée cette semaine, c’est celle de Denis Coderre, vaillant maire de Montréal. On pourrait dire qu’il s’est enfargé dans ses propres lacets. C’était fatal que ça lui arrive, car il n’a pas l’habitude de faire dans la dentelle et dorénavant, il va au moins savoir que ça peut lui coûter cher.
 
En fait, on peut dire que les citoyens de Montréal commençaient à peine à se faire à sa grosse voix, à ses coups de gueule, à ses projets de destruction ou de construction massives, tout ça dans le même souffle. Nous avions fini par penser qu’il finirait bien par trouver sa route mieux que nous qui tournons en rond autour des piquets orange partout dans la ville. De nid-de-poule en nid-de-poule, avec des projets pharaoniques pour le 375e anniversaire de Montréal, nous avancions prudemment, disons.
 
Et puis BOUM ! Je vous épargne les détails au sujet du Saint-Laurent, car j’aime croire que vous avez suivi les informations à ce sujet. Même les poissons s’apprêteraient, eux aussi, à rendre publique une pétition qu’ils ont tous signée. Le ministre Lebel se bidonne sous le nez de Coderre. S’il est réélu avec Harper, c’est nous qui allons en manger toute une. Peut-être devrions-nous parler de l’incompétence de ceux qui ont conseillé Coderre et de ceux du ministère de l’Environnement de Québec et de son brillant ministre, M. Heurtel ? Les statues sont de plus en plus friables. C’est ça la bonne nouvelle.