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mercredi, octobre 21, 2015

Justin Trudeau : une nouvelle vision pour l’économie?

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Mardi 20 octobre 2015 à 12 h 41 | 
trdueau
Trudeau

Les Canadiens ont fait leur choix. Ils ont opté pour le changement, celui qu’incarnent les libéraux, et ce choix est assumé puisque le nouveau gouvernement Trudeau sera majoritaire. Il est clair que les enjeux politiques vont dominer les prochains jours avec la transition du pouvoir, la formation du nouveau Conseil des ministres et les changements à prévoir dans les partis d’opposition. Mais, tôt ou tard, la réalité économique et financière du Canada va rattraper le nouveau gouvernement. Et des choix devront être faits.
Voici les cinq tâches et défis économiques et financiers du nouveau gouvernement :
1- La réalité des chiffres : présenter une mise à jour budgétaire
Nous avons expliqué 100 fois que la révision à la baisse de la prévision de croissance économique pour 2015 allait obliger le gouvernement à revoir à la baisse ses revenus projetés et donc le surplus envisagé dans le budget 2015-2016 à 1,9 milliard de dollars. C’est environ 3 milliards de dollars qui seront manquants, selon les calculs de l’économiste Jean-Pierre Aubry.
Le Parti libéral a clairement dit qu’il allait enregistrer des déficits d’ici 2019 avant de revenir à l’équilibre budgétaire. Il n’a pas donné de précisions sur le solde envisagé pour l’exercice en cours, 2015-2016, qui se termine le 31 mars prochain. Mais il y a fort à parier que le nouveau gouvernement annoncera un déficit pour cet exercice et attribuera tous les torts au gouvernement conservateur précédent.
Cette mise à jour viendra avant Noël et le budget probablement en mars, question de laisser un peu de temps au nouveau ministre des Finances de s’installer et de mettre en oeuvre les priorités de son gouvernement.
D’ailleurs, qui sera le prochain ministre des Finances?
  • Bill Morneau, nouveau député libéral de Toronto-Centre, a étudié à la London School of Economics. Il est administrateur, il a siégé au conseil consultatif sur la retraite du gouvernement ontarien et à l’Institut CD Howe. Il fait partie de la famille qui a fondé Morneau Sheppel, société de conseils en ressources humaines.
  • John McCallum, député de Markham-Thornhill, a notamment été ministre du Revenu, a été aussi économiste en chef de la Banque Royale. Il est vu comme l’un des architectes de la politique keynésienne des libéraux, c’est-à-dire une politique d’investissements massifs de l’État dans l’économie, quitte à faire des déficits.
  • Ralph Goodale, député de Regina-Wascana, a été ministre des Finances du Canada. Il a été élu la première fois à Ottawa en 1974, c’est un vétéran, qui a aussi dirigé les ministères des Ressources naturelles et de l’Agriculture.
  • Jean-Yves Duclos, nouveau député libéral dans Québec, est un économiste qui a fondé récemment la Chaire sur les enjeux économiques des changements démographiques. Il a fait plusieurs recherches sur le financement de la santé. Peu probable qu’il se retrouve aux finances, mais probable qu’il soit au Conseil des ministres.
  • Scott Brison, député dans Kings-Hants, était le porte-parole du PLC en matière de finances dans l’opposition. Il est coprésident du conseil consultatif sur l’économie de Justin Trudeau. Il a été ministre des Travaux publics et connaît bien le secteur de l’investissement bancaire.
2- Le signal du premier budget
C’est dans ce budget qu’on verra poindre la vision du nouveau gouvernement. Les principes qui guideront les libéraux seront résolument différents sur le plan du développement économique. Les conservateurs misaient sur les baisses d’impôt et le contrôle des dépenses. Les libéraux injecteront des milliards de dollars dans l’économie pour stimuler la construction d’infrastructures, une vieille recette économique qui a pour but d’alimenter la croissance économique et les revenus d’impôt pour le gouvernement.
Il faudra surveiller les bases de projections du nouveau gouvernement. Sera-t-il optimiste sur la croissance du PIB et la remontée des cours du pétrole comme l’était l’ancien gouvernement? Ou jouera-t-il de prudence en adoptant l’approche de la surestimation des déficits afin d’annoncer ensuite de « bonnes nouvelles », autre vieille recette, politique celle-là?
Il est clair que les libéraux se sont donné une belle marge de manoeuvre en promettant des déficits et non des surplus budgétaires dès cette année ou l’an prochain. N’importe quel ministre des Finances voudrait bénéficier d’une telle marge de manoeuvre. Le Canada est un pays riche, coté AAA, avec des finances publiques saines et qui peut emprunter à de très faibles coûts. Son défi n’est pas budgétaire. Il est économique.
3- Stimuler l’économie : un plan pour faire face au vieillissement de la population et générer de l’activité économique dans un contexte de lente croissance du PIB
Et c’est ici qu’on attend de l’audace, de la vision et une compréhension fine de l’économie. Les Canadiens méritent qu’on voie venir les coups 5, 10, 15 ans d’avance, dans la mesure du possible bien sûr. Il y aura toujours des impondérables, des guerres, des crises, des événements de toute nature. Mais il y a des tendances que nous pouvons analyser en prospective. Nous savons que le Canada vieillit. Il y a plus d’aînés que d’enfants au Canada. C’est un changement démographique radical, majeur, qui va ralentir l’économie plutôt que de la stimuler, c’est dans l’ordre des choses.
Il faut donc stimuler l’innovation, la productivité, aider les entreprises à exporter, à se développer, à créer et à embaucher. Oui, les infrastructures stimulent l’économie. Mais quelles infrastructures vont modeler notre futur? Ce sont certainement les infrastructures vertes, les bâtiments et les structures fondées sur le développement durable, le transport en commun, un aménagement urbain convivial, efficace, intelligent, qui réduit notre dépendance au pétrole et notre empreinte carbone.
Et n’oublions surtout pas qu’il faudra gérer ces budgets d’infrastructures. S’il y a une chose qu’il faut éviter, c’est le bar ouvert pour les entreprises qui pourraient se magasiner de généreuses primes. On ne veut pas une nouvelle commission Charbonneau.
4- Stimuler l’épargne et améliorer le sort des aînés
Par quel bout commencer? D’abord, le Parti libéral a pris l’engagement d’annuler la bonification du compte d’épargne libre d’impôt (CELI), qui était passé à 10 000 $ sous les conservateurs dans le dernier budget. Le PLC a aussi pris l’engagement de bonifier de 10 % le Supplément de revenu garanti pour les aînés vivant seuls. Maintenant, il faut faire davantage.
Le Canada fait partie des pays qui assument une faible part des revenus de retraite dans l’OCDE. Faut-il bonifier le Régime de pensions du Canada (et le Régime des rentes du Québec)? Faut-il s’inspirer de l’Ontario, qui veut ajouter un régime public au Régime de pensions en faisant passer de 25 % à 40 % le remplacement par les rentes du revenu de travail à la retraite? Faut-il adopter une stratégie d’épargne solide pour amener les employeurs et les travailleurs à épargner davantage?
Le vieillissement de la population au Canada ralentit la croissance économique et risque d’augmenter l’appauvrissement des aînés. Que va faire le nouveau gouvernement majoritaire de Justin Trudeau?
5- Environnement : adopter un plan audacieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre en gardant en tête les répercussions économiques à long terme
Le défi économique du 21e siècle, je l’ai souvent dit et écrit, c’est le défi écologique. Justin Trudeau prévoit aller à la conférence des Nations unies sur les changements climatiques avec des premiers ministres provinciaux. Il propose d’établir ensuite des cibles précises pour le Canada. Il est non seulement souhaitable que le Canada accélère son travail en matière de réduction de gaz à effet de serre, mais surtout que ces objectifs soient atteints.
Le Canada doit maintenant faire partie de la solution. Mais comment le nouveau gouvernement va-t-il gérer l’essor de l’exploitation du pétrole des sables bitumineux? Et comment pourra-t-il demeurer cohérent si les prix du pétrole repartent à la hausse et viennent remplir les coffres à Ottawa?
Après la campagne, après les promesses, la réalité économique et financière se dresse devant le nouveau gouvernement. Le PLC va recentrer son action et il y a fort à parier que, malgré des engagements environnementaux plus solides, le gouvernement Trudeau continuera de défendre le développement du pétrole.
Il faut croire aussi que les milliards vont pleuvoir dans les infrastructures, mais que dans l’objectif de ne pas effrayer les Canadiens, le premier ministre désigné voudra revenir à l’équilibre budgétaire plus rapidement que prévu, en 2018-2019 plutôt qu’en 2019-2020. Et attendez-vous à ce que Justin Trudeau approuve le Partenariat transpacifique, avec ou sans compensations pour les secteurs de l’automobile et des producteurs laitiers.
16 promesses libérales
  • Baisse d’impôt de 22 à 20,5 %
  • Hausse d’impôt à 33 % au-delà de 200 000 $
  • Baisse d’impôt pour les PME de 11 à 9 %
  • Infrastructures : 125 milliards de dollars sur 10 ans
  • Allocation canadienne pour enfants
  • Annulation de la bonification du CELI
  • Annulation du fractionnement du revenu entre conjoints
  • Hausse de 10 % du SRG pour les aînés vivant seuls
  • Pas de péage sur le nouveau pont Champlain
  • Nouvelle évaluation environnementale d’Énergie Est
  • Nouveau plan pour la réduction des GES avec les provinces
  • Partenariat transpacifique?
  • Nouvel accord sur les transferts en santé aux provinces
  • Postes : annuler la fin de la livraison à domicile
  • 150 millions de dollars de plus pour CBC/Radio-Canada
  • Conseil des arts du Canada : de 181 à 360 millions de dollars