Annonce

lundi, octobre 26, 2015

Femmes autochtones: «Ce n'est pas juste à Val-d'Or»

http://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/

Publié le 26 octobre 2015 à 00h00 | Mis à jour à 00h00
Le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley,... (PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE)
PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, était à Val-d'Or dimanche

De nouvelles dénonciations de policiers ont fait surface depuis la diffusion d'un reportage de l'émission Enquête dans lequel des femmes autochtones de Val-d'Or ont allégué avoir été agressées sexuellement par des policiers de la Sûreté du Québec (SQ), selon Femmes autochtones du Québec (FAQ). Elles visent d'autres corps policiers que la SQ et concernent des événements qui se seraient déroulés dans diverses villes du Québec.
Au bout du fil, dimanche soir, la coordonnatrice justice et sécurité publique chez FAQ, Alana Boileau, cachait mal sa désolation. «[Quand on a vu le reportage], on était très touchées, très horrifiées de voir ce qui se passait, et déçues de ne pas être ensemble pour agir», a-t-elle laissé tomber, en expliquant que la présidente de l'organisation, Viviane Michel, est actuellement au Pérou pour assister à une rencontre internationale de femmes autochtones.
«On est désolées d'avoir reçu d'autres dénonciations pour d'autres événements dans d'autres grandes villes du Québec», a-t-elle poursuivi. «Ça implique d'autres corps policiers que la SQ. C'est sûr que ce n'est pas juste à Val-d'Or.»
Pas de grande surprise
À FAQ, on a accueilli les dénonciations de femmes autochtones - visiblement algonquines et cries - avec admiration, mais peu de surprise. «Une collègue a dit: "Ce n'est pas étonnant que ça arrive, c'est étonnant que ce soit resté caché tout ce temps-là", a résumé Alana Boileau. Ça démontre la solidarité entre policiers, et ça explique notre méfiance face aux enquêtes policières.»
À ce sujet, FAQ a exigé une enquête indépendante, menée en collaboration avec des organisations autochtones. Une demande semblable a été formulée par le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard. Mais cette avenue n'a été ni appuyée ni rejetée par le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley.
«Je n'ai fermé la porte à aucune idée», a déclaré le ministre à son départ de Val-d'Or, où il a passé la journée, dimanche. Dans l'attente de la mise en branle éventuelle d'une enquête sur la mort et la disparition de 1200 femmes autochtones depuis les années 80, comme l'ont promis les libéraux de Justin Trudeau en campagne électorale, le ministre a ajouté que «toute démarche au Québec doit être complémentaire» aux actions entreprises par Ottawa. «On ne veut pas avoir trop d'enquêtes publiques dans le champ», a-t-il affirmé.
«En ce moment, on n'est pas rendu là. On ne dit pas non, on ne dit pas oui», a aussi déclaré àLa Presse Émilie Simard, porte-parole de la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault.
«Les gestes allégués méritent d'être enquêtés à fond, pour rétablir les faits», a plaidé le maire de Val-d'Or, Pierre Corbeil, avant de nuancer ses propos. «Je ne sais pas si on a les moyens d'attendre encore trois, quatre ans pour poser des gestes concrets, a-t-il ajouté. Il y a 93 recommandations dans le rapport de la commission Vérité et Réconciliation, et à ce que je sache, il n'y en a pas beaucoup qui ont été mises en oeuvre. Alors est-ce qu'on doit en faire une de plus?»
Le ministre Kelley parle de racisme
«Il y a des problèmes de fond, comme la place du racisme dans notre société, a aussi observé Geoffrey Kelley. Il n'y a pas de solution miracle à court terme à ce genre d'enjeu, mais comment on peut s'attaquer à ça, c'est souvent au niveau d'une meilleure éducation, d'une meilleure connaissance de la réalité autochtone», a-t-il avancé.
Sa déclaration a trouvé écho dans les propos d'Alana Boileau. «La violence ne provient pas juste des communautés autochtones et des hommes autochtones, elle vient d'un système raciste et colonial», a-t-elle analysé. Sans dénigrer le travail des corps policiers, qui est délicat et essentiel à son avis, elle a fait état d'un déficit de confiance entre les autochtones et les policiers qui est loin d'être nouveau.
«Le problème, c'est que la confiance des autochtones envers les autorités policières a toujours été moyenne, a-t-elle observé. Mais là, c'est la société en général qui s'en rend compte. Alors il faut faire quelque chose. Mais il aurait fallu le faire quand les autochtones le disaient», a-t-elle plaidé.