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dimanche, mai 03, 2015

La collusion persisterait dans la banlieue nord

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L’ex-entrepreneur Lino Zambito dit que rien n’est réglé dans des villes comme Blainville, Saint-Jérôme et Mirabel

Lino Zambito a été le premier témoin vedette de la commission Charbonneau. .photo mélanie colleu
PHOTO JOURNAL DE MONTRÉAL, MÉLANIE COLLEU
Lino Zambito a été le premier témoin vedette de la commission Charbonneau. 

Mélanie Colleu
La collusion et la corruption persistent dans certaines municipalités qui sont passées entre les mailles du filet de la commission Charbonneau, affir­me l’ancien témoin vedette Lino Zambito.
«Dans plusieurs villes de la banlieue nord, qui n’ont pas été éclaboussées devant la commission d’enquête, c’est toujours pareil. Pas forcément à 100 %, mais, dans certains endroits, ça fonctionne encore comme ça», a laissé tomber l’ancien entrepreneur en entrevue avec Le Journal.
Selon les dires de M. Zambito, les secteurs de Blainville, Saint-Jérôme ou encore Mirabel seraient touchés.
Plusieurs entreprises de construction et de génie civil de petite ou moyenne taille, qui n’ont pas été «écorchées» lors des audiences publiques de la commission Charbonneau, «continuent leur petite routine» comme si de rien n’était en s’arrangeant pour décrocher des contrats publics municipaux ou provinciaux, a-t-il expliqué.
«Dans le déneigement, pas plus tard que cet hiver, je peux vous dire que ça s’est poursuivi», a-t-il déclaré.
«Manque de crédibilité»
Par ailleurs, des entreprises «collusionnaires» bénéficieraient encore de gonflements d’extras non justifiés après leurs travaux. Et certaines municipalités favoriseraient toujours des compagnies qui sont dans leurs bonnes grâces, a-t-il ajouté.
Le maire de Mirabel, Jean Bouchard, en poste depuis 18 mois, s’est dit complètement estomaqué par les déclarations de M. Zambito, martelant haut et fort que la collusion n’existe pas sur son territoire. «Tous nos contrats sont octroyés en bonne et due forme selon la loi. S’il y a un maire qui n’en veut pas, de corruption, c’est bien moi! M. Zambito devrait s’expliquer avant d’entacher la réputation d’une ville, c’est un personnage qui manque de crédibilité»,
a-t-il lancé. Saint-Jérôme et Blainville n’ont pas rappelé Le Journal.
Plus de deux ans après ses révélations fracassantes, le tout premier témoin-clé de la commission Charbonneau s’impatiente. «Veut-on enrayer la corruption ou simplement faire un show de boucane?», demande-t-il.
En septembre 2012, Lino Zambito a vidé son sac. Il a reconnu avoir pris part à un «cartel des égouts» pour obtenir des contrats de la Ville de Montréal.
En échange, il versait une ristourne à la mafia, ainsi qu’au parti de l’ex-maire, Gérald Tremblay. Il a également expliqué que le même genre de système sévissait à Laval, où l’ancien maire Gilles Vaillancourt percevait 2,5 % de la valeur des contrats octroyés.
Une lutte quotidienne
«La commission Charbonneau a fait un bon bout de chemin, mais c’est à l’Unité permanente anticorruption de continuer et au gouvernement de mettre en place des barrières. La collusion, c’est comme l’alcoolisme, c’est une bataille de tous les jours», affirme l’ancien propriétaire d’Infrabec.
Éclaboussées de toutes parts au cours des dernières années, Montréal et Laval ont aujourd’hui établi des mesures de contrôle et les grandes entreprises se tiennent désormais à carreau, admet-il.
«Mais ce n’est qu’une question de temps pour que le business redevienne comme il était», assure M. Zambito.

Trois questions à Lino Zambito

Qu’avez-vous pensé des travaux de la commission Charbonneau ?
La CEIC avait sa raison d’être et elle peut tirer un bilan positif. Elle a réussi à démasquer les systèmes de collusion/corruption dans l’octroi des contrats municipaux, les prête-noms, le financement politique. Mais les enquêteurs et les procureurs avaient des preuves — notamment électroniques — pour attaquer davantage le provincial, que ce soit le Parti libéral du Québec ou le Parti québécois. Ils ont décidé de mettre ça sur tablette.
Vous avez été arrêté par l’UPAC en 2011 aux côtés, notamment, de l’ex-maire de Boisbriand, Robert Poirier et de l’ex-v.-p. de Roche, France Michaud. Tous deux subissent leur procès pour fraude et complot présentement alors que le vôtre commencera en mai. Êtes-vous prêt ?
Oui, et confiant. Depuis deux ans, je travaille à temps plein pour préparer mon procès. On a été arrêtés en 2011 parce qu’une commande politique a été passée par le PLQ pour que Marteau fasse des arrestations afin de calmer les pressions en faveur de la tenue de la commission Charbonneau. La frappe était prématurée. Ils n’avaient même pas recueilli toute la preuve et ils l’ont patchée au dossier par après. J’ai mes torts, mais cette affaire a été bâclée. On n’a même pas eu droit à une enquête préliminaire.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
J’aimerais agir comme consultant en construction dans le domaine privé et, pourquoi pas, donner des conférences dans les universités du Québec. Je pourrais expliquer mon expérience, comment tu peux embarquer dans un système malgré tes bonnes intentions de départ. J’aimerais aussi écrire un livre.