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vendredi, avril 10, 2015

AFFRONTEMENTS À L’UQAM Calmer le jeu

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10 avril 2015 |Josée Boileau | Éducation
Peu importe par quel bout de la lorgnette on les regardait, les images qui provenaient mercredi de l’Université du Québec à Montréal, émanant tant de médias traditionnels qu’étudiants, étaient choquantes, faisant voir une addition d’aberrations dont nul ne peut se laver les mains.

Dressons donc la liste, car elle s’impose : il est inadmissible que des manifestants masqués se promènent dans une université, inadmissible que des agents de sécurité se déchaînent sur des étudiants pacifiques et visiblement apeurés, inadmissible encore que des hordes de policiers débarquent comme s’ils avaient affaire à des bandes criminelles, inadmissible aussi le vandalisme.
 
Certains choisissent de faire le tri dans ce lot : c’est l’autre qui a commencé, qui continue, qui jette de l’huile sur le feu… Qu’on foute à la porte ces fauteurs de trouble ! Que le recteur démissionne ! Et que surtout la situation dégénère, au plus grand bonheur des extrémistes des deux camps qui ne souhaitent surtout pas un quelconque encadrement : l’ASSE ou François Blais, ministre de l’Éducation, même combat !
 
Les violents heurts de mercredi sont donc devenus affrontement ouvert jeudi, avec au milieu le recteur de l’Université du Québec à Montréal, Robert Proulx, visiblement dépassé par des événements qui exigent la mise en place d’un dialogue plutôt que la communication par communiqué.
 
Le ministre Blais n’est pas l’interlocuteur recherché : après ses propos, sur les ondes de Radio X, sur les étudiants à traiter comme des enfants, sa perception de l’éducation comme un « don », énoncée jeudi, l’enfonce dans un paternalisme de mauvais aloi. Donnons-lui quand même raison sur un point : le recteur Proulx « a besoin de sa communauté ». Pas pour appeler la police toutefois, mais pour que la tension baisse : il importe qu’un comité de médiation soit mis en place, qui calmera des étudiants outrés et qui sortira la direction de la logique policière dans laquelle elle s’est enfermée.
 
La rentrée de 2012 aurait pourtant dû servir de mise en garde. Après le printemps agité que l’on sait, la rentrée automnale s’était faite sous la tension : des manifestants masqués avaient bloqué les cours à l’UQAM et à l’Université de Montréal. L’UQAM avait refusé de faire appel aux policiers : « Ça pourrait envenimer les choses », avait-on évalué. Sage décision, car l’intervention policière à l’Université de Montréal avait transformé le dérangement en un violent et inutile affrontement.
 
Le recours abusif à la police ne sert qu’à créer des martyrs de la cause étudiante. Les étudiants qui contestent les politiques d’austérité ne sont pas tous à l’aise devant les méthodes antidémocratiques de certains militants. Mais l’attaque frontale des autorités les rend solidaires et alimente leur colère. Cette dislocation de la société en groupes atomisés qui se méfient les uns des autres n’est pas la voie à suivre. D’où l’urgence de renouer le dialogue, en commençant par le rejet de la violence. Les étudiants de l’UQAM affirment que leurs masques les protègent de caméras qui pourraient mener à leur expulsion ? Fort bien, fermons les caméras, mais levons les masques aussi.
 
Ensuite, il faudra statuer sur le droit de grève étudiant, pour le reconnaître ET pour le baliser. Le rapport Ménard n’a pas été le seul à le réclamer : en septembre 2013, le rapport du Chantier sur une loi-cadre des universités, signé par Lise Bissonnette et John R. Porter, consacrait une section à la démocratie étudiante, devenue un surprenant enjeu juridique en 2012. Il faut trancher sur ce sujet avant le prochain conflit, écrivaient-ils : « C’est en temps de paix que la sagesse commande la réflexion, la prévention, et la préparation de compromis viables. » Une fois la guerre calmée, n’en déplaise au ministre, il faudra bien y revenir.