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mardi, avril 14, 2015

800 000 enfants déplacés au Nigeria

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Boko Haram multiplie les exactions sur les enfants

Ces jeunes enfants et leurs parents d’origine nigériane ont trouvé refuge dans un camp de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés à N’Gouboua, sur les rives du lac Tchad.
Photo: Sia Kambou Agence France-Presse
Ces jeunes enfants et leurs parents d’origine nigériane ont trouvé refuge dans un camp de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés à N’Gouboua, sur les rives du lac Tchad.
Il y a un an, le monde entier criait son indignation à la suite de l’enlèvement sauvage de 276 écolières nigérianes par le groupe terroriste Boko Haram. Douze mois, plus tard, les exactions au nord du Nigeria se multiplient auprès des jeunes, garçons comme filles, alors que le nombre de mineurs déplacés par ce conflit meurtrier a doublé en un an.
 
Au cours de 2014, plus de 800 000 enfants ont été forcés de fuir leurs maisons et leurs villages dans la foulée des combats opposant Boko Haram à diverses forces gouvernementales et milices civiles pour repousser l’avance de la tristement célèbre secte, affirme le rapport de l’UNICEF Missing Childhood, dévoilé lundi. C’est donc deux fois plus que le nombre d’enfants déplacés par ce conflit l’année précédente.
 
Si le mouvement #BringBackOurGirls, propulsé par les réseaux sociaux, avait braqué les projecteurs sur le sort d’esclaves sexuelles et les mariages forcés imposés aux jeunes filles enlevées par ces fous de Dieu, les atrocités, comme le confirme ce rapport, frappent chaque jour indistinctement avec autant de cruauté tous les enfants. En fait, Boko Haram a fait des enfants sa cible première, en multipliant les attaques sur les écoles, tuant 314 écoliers et 196 de leurs enseignants entre janvier 2012 et décembre 2014.
 
Principales victimes de cette boucherie, les enfants sont désormais utilisés comme armes de guerre, kidnappés pour servir d’enfants soldats, de boucliers ou de bombes humaines.
 
« Encore plus inquiétant, des enfants et des jeunes sont placés de manière stratégique dans la ligne de mire, lors d’attaques ciblant des écoles et des enlèvements massifs. Des rapports font même état d’enfants forcés de porter des bombes fixées à leurs corps pour les faire exploser en public. Ces graves violations des droits de l’enfant doivent cesser immédiatement », a déclaré M. Morley, chef de la direction pour UNICEF Canada. « Ces enfants sont témoins d’actes de violence et d’horreurs inimaginables », ajoute-t-il.
 
De nombreux rapports ont signalé ces derniers mois le recours par le groupe rebelle à des enfants et à des femmes, bourrés d’explosifs, pour mener des attentats suicides. Le plus récent a été perpétré en janvier dernier au marché de Maiduguri, faisant 20 morts, alors qu’une fillette de dix ans a été munie d’une charge explosive.
 
Marqués pour la vie
 
Les dessins d’enfants nigérians réfugiés dans les camps au Tchad, au Niger ou au Cameroun témoignent d’ailleurs de cette violence inouïe, montrant des pères et des mères égorgés au couteau, fusillés ou enlevés sans laisser de traces.
 
Aisha, âgée de 13 ans, a vu son père assassiné et sa mère enlevée par les rebelles de Boko Haram dans son village de Gwoso. Elle a fui avec une de ses soeurs vers le camp de réfugiés de Yola. Evelyn, elle, assistait à la messe quand les djihadistes ont mis son village à sac. Séparée de son fils de 5 ans, elle s’est réfugiée avec sa fille d’un an dans les montagnes, survivant de baies et d’eau de pluie pendant des semaines. Sur le dessin de Fanta, 10 ans, réfugiée au Niger, on discerne des corps décapités, des tirs de mitraillettes, alors que Zanna, elle, a parsemé le sien de flaques de sang.
 
« Ces dessins témoignent de ce qu’ont vécu ces enfants de 8, 9 ou 10 ans. Certains ont vu leurs parents torturés ou brûlés. Il n’y a pas que les filles qui sont victimes. Des garçons sont souvent tués plutôt qu’enlevés », précise Thierry Delvigne-Jean, canadien, chef régional de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest. Le rapport de l’UNICEF fait état de garçons aussi jeunes que quatre ans, utilisés par les rebelles de Boko Haram comme porteurs, guetteurs ou cuisiniers. « L’utilisation des enfants à des fins militaires se fait aussi par d’autres milices civiles », affirme M. Delvigne-Jean.
 
L’enfance prise en otage
 
Si l’UNICEF ignore le nombre exact d’orphelins créés par ces attaques sauvages, nombre d’enfants affluent seuls dans des camps de réfugiés, après avoir vécu la perte d’un parent ou de proches. Dans ces camps, près de 60 000 enfants ont reçu une aide psychosociale de l’UNICEF au cours des six derniers mois pour gérer leur détresse émotionnelle.
 
Outre cette aide psychologique, les besoins sont immenses pour ces enfants de la guerre, dont la majorité n’a plus accès à l’école, aux soins de santé de base et, pour certains, à une alimentation suffisante. Le nombre d’enfants privés d’accès à l’école au Nigeria est passé de 8 à 10,5 millions depuis 2007. La malnutrition frappe 18 % des enfants réfugiés de certains camps, et l’accès limité aux installations sanitaires fait craindre des épidémies de choléra et de poliomyélite.
 
L’UNICEF a lancé lundi une nouvelle campagne pour sensibiliser la population à cette crise humanitaire sous le mot-clic #BringBackOurChilhood. Selon l’organisme, il manque toujours 85 % des 26 millions nécessaires pour faire face aux besoins au Nigeria, 83 % au Cameroun et 99 % au Tchad.

L’appel de Malala
Malala, jeune lauréate du prix Nobel de la paix, a appelé lundi les dirigeants nigérians et du monde entier à faire plus pour libérer les lycéennes enlevées le 14 avril 2014 à Chibok, dans le nord-est du Nigeria.

Un an après le rapt de 276 écolières nigérianes, on est toujours sans nouvelles de 219 d’entre elles. « Les dirigeants nigérians et la communauté internationale n’ont pas fait assez pour vous aider », déclare Malala Yousafzai dans une lettre ouverte aux adolescentes otages.

Ce « message de solidarité et d’espoir »survient la veille d’une série d’initiatives prévues dans le monde pour marquer les 12 mois de captivité des lycéennes, telles que des marches, prières et veillées. L’ex-président nigérian, battu à l’élection présidentielle du 28 mars dernier, avait été fort critiqué pour son insensibilité et son inaction apparentes devant le sort tragique des jeunes filles. Pour Malala, il y a maintenant « des raisons d’espérer »« Les forces nigérianes regagnent des territoires et protègent davantage d’écoles », écrit-elle.
Agence France-Presse