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jeudi, mars 26, 2015

L'écho de Jean Charest

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L’ombre
Jean Charest «inspire» encore et toujours son parti...

CA_Josee-Legault
La réaction du gouvernement Couillard à la «grève sociale» déclenchée par plus de 60 000 étudiants contre les politiques d’austérité ramène aux Québécois l’écho d'un certain Jean Charest.
Ce qui, soit dit en passant, n’est pas nécessairement un compliment...
Dans ma chronique publiée ce mardi, j’expliquais comment l’establishment politique québécois, lors de la grève étudiante du printemps 2012, s’était muni de trois outils puissants pour combattre à l’avenir toute contestation sociale ouverte.Soit la judiciarisation de la grève étudiante, la répression policière et un conditionnement répétitif de l’opinion publique.
Bref, le «modèle» dont le gouvernement Couillard s’inspire directement aujourd’hui est nul autre que celui de l’ex-premier ministre libéral Jean Charest.
Un  lexique manipulateur
L’inspiration est en fait si marquée que c’est carrément du mimétisme. Autant sur la stratégie politique que sur le lexique  bien précis manié par le premier ministre Couillard et son nouveau ministre de l’Éducation et ex-doyen de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, François Blais.
Un lexique dont l’objectif principal est de discréditer la grève étudiante pour mieux convaincre l’électorat de voir ses «protecteurs» du côté du gouvernement...
Les ressemblances sont telles qu’on pourrait s’y méprendre. De toute évidence – si vous me passez l’expression dans les circonstances -, Jean Charest a «fait école» en matière de grève étudiante à casser.
En voici quelques exemples...
Les «bruits»
Il y a deux semaines, au lendemain d’une mini manifestation en vue du dépôt prochain de son deuxième budget, le premier ministre Couillard réagissait en ces termes : «J’entends les bruits et je les respecte, mais pour une personne qui tient une pancarte, cinquante disent avoir trouvé une voie avec notre gouvernement
Retenez le mot «bruits» - un terme hautement péjoratif qui, dans les faits, sert à décrire et discréditer les citoyens qui s’opposent aux politiques d’austérité.
Maintenant, retour au 1er août 2012. Jour du déclenchement des élections générales. Et que déclare le premier ministre sortant, Jean Charest, en parlant de la grève étudiante et des manifestants?
Ceci : «La rue a fait beaucoup de bruit. C’est maintenant au tour des Québécois de parler et de trancher cette question».
La «majorité silencieuse»
L’expression «majorité silencieuse» opère elle aussi un grand retour. Une expression bidon particulièrement prisée pour son penchant nettement populiste.
Cette semaine, le ministre Blais invitait donc la «majorité silencieuse» à se rendre dans les assemblées des associations étudiantes pour bloquer la grève.
Le même 1er août 2012, Jean Charest déclenchait les élections en lançant ceci : «Maintenant, c'est au tour de la majorité silencieuse de parler».
Tout au long du Printemps 2012, à l’instar du mot «bruit», M. Charest avait d’ailleurs fait souvent usage de ladite expression «majorité silencieuse».
(Populisme obligeant,  l’ex-ministre péquiste Bernard Drainville en faisaitégalement bon usage au gouvernement Marois pour défendre sa charte des valeurs...) 
«Violence et intimidation»
Cette semaine, Philippe Couillard réagissait au déclenchement de la «grève sociale» en ces termes : «Dans tous les cas, la violence et l’intimidation ne mènent à rien.»
Le 26 avril 2012, Jean Charest disait ceci de la grève étudiante : «Je veux vous dire que rien ne justifie la violence ou l'intimidation. Il faut le dire et le redire.»
En fait, encore une fois pour mieux discréditer la grève, prêter au mouvement étudiant un penchant certain pour la «violence et l’intimidation» était devenu un véritable mantra pour M. Charest et son conseil des ministres au grand complet.
Et ce, malgré la réalité. Soit que tout au long du Printemps 2012, la vaste majorité des centaines de manifestations qui ont eu lieu à travers le Québec était éminemment pacifique.
L’«accès aux cours»
Le nouveau ministre de l’Éducation, François Blais, implore aujourd’hui les «directions des établissements d'enseignement» à se servir de leur «pouvoir d'autorité sur les étudiants» pour assurer leur «accès» aux cours.
Parlant de la grève étudiante, le ministre avance même que le gouvernement Couillard ne croit tout simplement pas à l’existence de «ce droit-là».
Retour au 18 mai 2012. Le gouvernement Charest fait adopter sa loi dite «spéciale». Elle limite non seulement le droit de manifester, mais sous prétexte d’assurer l’«accès» aux cours pour les étudiants opposés à la grève, elle impose aussi des conditions draconiennes aux associations étudiantes.
Boycott
Imposant le mot «boycott» dans le lexique politique q uébécois, Jean Charest fut fort possiblement le premier pemier ministre du Québec à aller jusqu’à nier l’existence même du concept de «grève étudiante».
Autre mantra du gouvernement Charest pour diviser l’opinion publique et discréditer le mouvement étudiant, la répétition calculée du mot «boycott» visait aussi à nier le caractère collectif d’une grève par opposition à un boycott «individuel» des cours.
Or, aussi habile politiquement que puisse être ce lexique manipulateur, la réalité de par le monde et depuis des siècles est qu’une «grève» étudiante est bel et bien une «grève» et non pas un «boycott»
Le 7 août 2012,  Jean Charest et tout son gouvernement ne cessent de répéter depuis des mois que la grève étudiante n’est pas une grève, mais un «boycott».
Pour ceux et celles que le sujet intéresse, voici l’analyse que j’en faisais sur mon blogue de l’Actualité. J'y explique les raisons derrière l'usage du mot «boycott» et pourquoi la grève étudiante est bel et bien un grève et non pas un boycott.
Retour à 2013
Voilà pour la reprise des tactiques et du lexique de Jean Charest par le gouvernement Couillard.
Mais qu’en pensait donc Philippe Couillard en 2013 en pleine course à la chefferie du Parti libéral du Québec? La réponse risque fort de vous étonner...
Pendant que le gouvernement Couillard s’inspire de Jean Charest face aux étudiants opposés à l’austérité et que le maire de Montréal avertit les manifestants que cette fois-ci, la «tolérance» est à «zéro – ce qui continue à faire du Québec un des états avancés où la liberté fondamentale de réunion pacifique est la plus réprimée -, voyons ce qu’en pensait M. Couillard il y a deux ans à peine... Soit avant d’être élu premier ministre.
En janvier 2013, Le Soleil rapporte que Philippe Couillard, alors candidat à la succession de Jean Charest, prend «ses distances de la gestion de la crise étudiante opérée par le gouvernement Charest».
Au premier débat officiel l’opposant à Raymond Bachand et Pierre Moreau, M. Couillard juge en effet «superflu» le «volet du projet de loi 78» - soit la loi spéciale de Jean Charest - sur «l'encadrement des manifestations».
Dixit alors Philippe Couillard : «J'étais tout à fait d'accord avec les autres objectifs de la loi 78, ceux sur l'accès aux cours et le calendrier scolaire. Mais je pense que ce n'était pas nécessaire d'ajouter la partie sur l'encadrement des manifestations».
Aujourd’hui premier ministre, M. Couillard n’hésite pourtant pas à reprendre le mantra de M. Charest sur la «violence et l’intimidation»...
Aussi intéressante était cette autre réplique de M. Couillard: «Je pense, Raymond, que les universités ont raison de dire qu'elles sont sous-financées. Mais je crois que les étudiants également peuvent avoir raison de dire qu'on peut optimiser la gestion et libérer des marges de manoeuvre.»
Les universités «sous-financées»? Vraiment? En pleine ère d’austérité, il faut croire que le problème est aujourd’hui oublié...
Une autre perle est celle-ci. Toujours en 2013, au mois de février, Gerry Sklavounos, le sympathique député libéral et aujourd’hui, le leader parlementaire adjoint du gouvernement Couillard, accordait une entrevue à Benoît Dutrizac. Il est alors député de l’opposition officielle.
Revenant sur la grève étudiante de 2012. M. Sklavounos laissait tomber ceci : «C’est sûr qu’il y a eu des personnes qui ont décidé de manifester. Les manifestations n’ont jamais dérangé. Je pense que les manifestations font partie de la démocratie».
Répétons : «Les manifestations n’ont jamais dérangé. Je pense que les manifestations font partie de la démocratie». Une déclaration qui honore certes le député. D’autant qu’il ne dit pas un mot sur la supposée «violence et intimidation» que prêtait le gouvernement Charest à répétition aux manifestants de 2012...
Un député posé et fort sage... En 2013, M. Sklavounos appuyait d’ailleurs la candidature de Philippe Couillard à la chefferie du PLQ.
À l’époque, je notais que les propos de M. Sklavounos avaient ceci de bon qu’ils ramenaient «sur cette question un point de vue nettement plus sensé et démocratique que celui tenu le printemps (2012) par son gouvernement».
Autres temps, autres mœurs, il faut croire.
Le pouvoir change tellement de choses...